Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/740

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vous serez parvenu à déshonorer ainsi la république ?

XXI. Lorsque, devant le tribunal Aurélien, vous enrôliez ouvertement et des hommes libres, et des esclaves rassemblés de tous les quartiers, sans doute vous ne méditiez aucune violence ? Quand vous ordonniez par vos édits la fermeture des boutiques, vous ne cherchiez pas un appui dans la force d’une multitude ignorante et prévenue, mais dans la prudence et la modération des honnêtes gens ? Quand vous formiez un dépôt d’armes dans le temple de Castor, vous n’aviez d’autre but que d’empêcher toutes les voies de fait ? et quand vous faisiez arracher et emporter les degrés de ce temple, c’était pour empêcher les séditieux d’y entrer, afin de pouvoir procéder avec calme ? Quand vous citiez à votre tribunal ceux qui avaient parlé en ma faveur dans une réunion de gens de bien, et que vous chassiez à coups d’épée, à coups de pierres, les amis qui venaient s’intéresser pour eux, vous faisiez bien voir assurément que la violence vous répugnait. Après tout, ces fureurs d’un tribun du peuple en délire pouvaient être aisément réprimées, soit par le courage, soit par la multitude des honnêtes gens : mais quand vous donniez à Gabinius la Syrie ; à Pison, la Macédoine ; à l’un et à l’autre, des sommes immenses, pour prix de leur connivence, pour leur empressement à vous livrer leurs soldats et leurs centurions ; à vous procurer de l’argent, des troupes de gladiateurs ; à vous appuyer par leurs harangues séditieuses ; à braver l’autorité du sénat ; à faire appréhender aux chevaliers romains la mort et la proscription ; à m’intimider moi-même par leurs menaces ; à me dénoncer le combat et le meurtre ; à inonder de leurs satellites ma maison toujours remplie de bons citoyens ; à écarter de moi, par la crainte des proscriptions, cette foule d’honnêtes gens qui pouvaient me défendre ; à empêcher enfin le sénat, cet ordre auguste, non-seulement de combattre pour moi, mais même de pleurer et de supplier en habits de deuil : n’y avait-il pas alors de la violence ?

XXII. Pourquoi donc me suis-je retiré ? qui pouvait inspirer tant de crainte, je ne dis pas à moi ; qu’on doute, si l’on veut, de mon courage ; mais à tant de braves citoyens, mais à nos chevaliers romains, mais au sénat, mais à tous les gens de bien ? pourquoi, s’il n’y avait pas de violence, se bornaient-ils à me suivre les larmes aux yeux jusqu’aux portes de Rome, au lieu de me réprimander et de me retenir, ou de m’abandonner avec indignation ? Craignais-je de ne pouvoir tenir tête à des adversaires qui m’eussent attaqué par les voies de droit et dans les formes légales ? Quoi ! si l’on m’eût ajourné, avais-je à redouter un jugement, ou un décret personnel, sans jugement ? un jugement dans une cause si indigne ? Apparemment je n’étais pas en état de l’exposer, fût-elle même inconnue ?. Je n’aurais pu défendre une cause si juste, que non-seulement elle a triomphé elle-même, mais qu’elle m’a défendu pendant mon absence ? Croira-t-on que le sénat, que tous les ordres, que les citoyens accourus de toute l’Italie pour solliciter mon retour, eussent été moins ardents à me retenir et à me conserver étant encore au milieu d’eux, moi dont la cause, de l’aveu même de ce parricide, fut telle, qu’il lui faut se plaindre de l’empressement