Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/741

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unanime qu’on a mis à me redemander et à me rétablir dans mes anciens honneurs ? Mais si je n’avais rien à craindre d’un jugement, peut-être appréhendais-je qu’il n’intervint un décret personnel, et que si, moi présent, on voulait m’infliger une peine, il n’y eût point d’intercession ? Avais-je donc si peu d’amis, et la république, si peu de magistrats ? Que dis-je ? si l’on eût convoqué les tribus, auraient-elles consenti à la proscription, je ne dis pas d’un homme qui leur avait rendu autant de services que moi, mais d’un citoyen quel qu’il fût ? Eh ! si j’eusse été présent, ma vie eût-elle été en sûreté contre ces vieilles bandes de conjurés, contre vos misérables satellites, et contre la nouvelle troupe que venaient de former deux consuls pervers ? Auraient-ils épargné ma personne, eux dont je n’ai pu encore assouvir la rage, même en cédant à leurs odieuses persécutions, même par les douleurs de mon exil ?

XXIII. Car enfin, quel tort vous a fait mon épouse infortunée, que vous avez accablée d’indignités et de tourments ? et ma fille dont les pleurs continuels et les vêtements lugubres étaient pour vous un spectacle si doux, et pour tous les autres un objet de compassion ? et mon fils, cet enfant que personne n’a vu, pendant mon absence, que baigné de larmes et abattu de tristesse, qu’avait-il fait pour que sa vie fût tant de fois menacée par vous ? Et mon frère, qui, revenu de sa province peu après mon départ, ne pouvait plus souffrir l’existence tant qu’il ne me verrait pas rétabli, dont l’affliction et le deuil sans exemple excitaient la pitié universelle, combien de fois n’a-t-il pas échappé à vos embûches et à vos poignards ? Mais qu’ai-je besoin de rappeler vos cruautés envers moi et envers les miens, vous dont la haine opiniâtre avait déclaré une guerre impie, abominable, aux murs mêmes, aux toits, aux colonnes, aux portes de mes maisons ? car je ne crois pas qu’ayant, depuis mon départ, assouvi votre cupidité et votre avarice aux dépens de tous les riches dont vous aviez envahi la fortune, aux dépens de toutes les provinces, de tous les tétrarques et de tous les rois dont vous aviez dévoré les revenus, mon argenterie et mes meubles eussent encore de quoi vous séduire ; je ne pense pas que ce consul campanien, et le baladin son collègue, a qui vous aviez donné généreusement tant de choses, a l’un toute l’Achaie, toute la Thessalie, toute la Béotie, toute la Grèce, toute la Macédoine, tout le pays barbare et tout ce qu’y possèdent les citoyens romains ; à l’autre, la Syrie, la Babylonie et la Perse, toutes ces vastes contrées aussi opulentes que paisibles, pour y exercer librement ses brigandages, fussent encore tentés de s’approprier mes portes et mes colonnes ?.Non, ces vieilles troupes de Catilina n’ont pas cru sans doute que le ciment et les pierres de mes bâtiments pussent rassasier jamais leur insatiable avidité. Mais comme il est d’usage de raser les villes, non pas de toutes sortes d’ennemis, mais de ceux a qui l’on fait une guerre d’extermination, non par l’appât du butin, mais parce que leur cruauté ayant mis les vainqueurs hors d’eux-mêmes, la guerre semble durer encore contre les lieux mêmes et les édifices qu’ils ont habités…..

XXIV. Il n’y avait pas de loi contre moi ; je n’avais été ni cité, ni ajourné ; je n’étais qu’absent. J’étais, de votre propre aveu, en pleine pos-