Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/757

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pelé ni le collège des pontifes, ni un pontife décoré des honneurs du peuple romain, ni même quelque autre des plus jeunes, quoiqu’il y en ait parmi eux qui sont vos intimes amis. Il ne s’y est trouvé, si toutefois il y fut présent, que celui qui s’y est vu engagé par vous, sollicité par sa sœur, contraint par sa mère.

Songez, pontifes, que vous allez prononcer, dans ma cause, sur le sort de tous les Romains. Pensez-vous qu’un pontife n’ait qu’à imposer la main sur une porte et à prononcer quelques paroles, pour que la maison d’un citoyen se trouve consacrée ? Ces dédicaces, ces inaugurations de temples et de sanctuaires ont-elles été instituées par nos ancêtres pour autre chose que pour honorer les dieux immortels, sans nuire aux citoyens ? Il s’est trouvé un tribun du peuple qui, soutenu de la puissance consulaire, est venu fondre, de toute l’impétuosité de sa fureur, sur un citoyen que la république ne pouvait voir renversé, qu’elle ne le relevât elle-même de ses propres mains.

XLVI. Eh quoi ! si quelque nouveau Clodius, car il ne manquera point désormais d’imitateurs, persécute et opprime un citoyen qui ne me ressemble pas, qui n’ait pas rendu les mêmes services à l’État, et s’il trouve un pontife pour consacrer la maison de son ennemi, votre autorité sainte lui prêtera-t-elle son appui ? Où trouvera-t-il ce pontife, me direz-vous ? Mais ne peut-il pas être lui-même et tribun du peuple et pontife tout à la fois ? M. Drusus, ce célèbre tribun, était en même temps pontife ; et si Drusus eût imposé les mains sur la porte de la maison de Q. Cépion, son ennemi, eu prononçant certaines paroles, la maison de Cépion aurait-elle été consacrée ?

Je ne parle ici ni du droit pontifical, ni de la formule de la dédicace, ni de l’engagement religieux, ni des cérémonies : j’avoue avec franchise que j’ignore ces mystères ; et quand je les connaîtrais, je feindrais encore de les ignorer, de peur de fatiguer l’auditoire, et de vous montrer une curiosité indiscrète. Cependant on soulève quelquefois le voile qui couvre vos mystères. Il me semble avoir ouï dire que, dans la dédicace d’un temple, on doit poser la main sur le jambage de la porte ; et il y a toujours, à l’entrée d’un temple, un jambage de porte et deux battants. Jamais personne n’a touché la porte en dédiant une promenade ; si l’on n’a dédié qu’une statue ou un autel, on peut les transporter ailleurs sans scrupule. Mais vous n’avez plus le droit de le dire, ayant une fois déclaré que le pontife a tenu le jambage de la porte.

XLVII. Et pourquoi parler de dédicace ? pourquoi ne pas garder le silence, comme je me l’étais proposé, sur vos cérémonies ? Quand j’avouerais que tout s’est fait suivant les formes les plus solennelles et les règles anciennes, je me défendrais toujours par le droit commun. Quoi ! dans un temps ou vous étiez resté maître de la république, grâce à la retraite d’un citoyen par qui seul elle existait encore de l’aveu du sénat et de tous les gens de bien, où vous la teniez opprimée sous le brigandage le plus odieux, de concert avec deux consuls aussi scélérats que vous ; vous auriez dédié, par le ministère de quelque pontife, la maison du citoyen qui n’aurait pas voulu, après avoir sauvé sa patrie, la voir périr à cause de lui ; et la république rendue à elle-même, souffrirait cette usurpation ? Donnez entrée, pontifes, à de pareils abus du pouvoir religieux, et vous ne trouverez plus d’asile pour nos fortunes. Parce qu’un pontife aura imposé les mains sur