Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/759

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sans autre témoin qu’un jeune homme, aura-t-il plus de force à vos yeux qu’un acte solennel en présence de tout le peuple ?

XLIX. Une dédicace, dit-il, est un engagement sacré. Ne croyez-vous pas entendre parler Numa Pompilius ? Écoutez, pontifes, et vous, flamines ; et vous aussi, roi des sacrifices, instruisez-vous a l’école d’un homme de votre illustre famille : il est vrai qu’il ne veut plus en être ; mais enfin c’est un homme juste, instruit de la religion, et pour qui les mystères n’ont rien de caché. Dans une dédicace, n’examine-t-on pas quel est celui qui parle, ce qu’il dit, et comment il le dit ? Confondez-vous, mêlez-vous tellement les choses, que quiconque le voudra puisse dédier ce qu’il voudra, et comme il le voudra ? Vous qui faisiez cette dédicace, qui étiez-vous ? Quel droit, quelle loi, quel exemple, quel pouvoir, vous y autorisaient ? quand le peuple romain vous en avait-il chargé ? Je trouve une ancienne loi tribunitienne qui défend de consacrer un temple, un terrain, un autel, sans l’ordre du peuple. Et quand le tribun Q. Papirius proposait cette loi, il ne voyait pas, il ne soupçonnait pas même que l’on oserait un jour consacrer les maisons et les héritages des citoyens non condamnés : c’eut été un attentat sacrilège, personne ne l’avait fait encore, et l’on eût craint, par une défense, d’en faire naître la pensée, au lieu de l'éloigner. Mais où consacrait alors des édifices, non pas de ceux qu’habitent les particuliers, mais de ceux qui ont le nom de temple ; on consacrait des champs, non pas les nôtres, au gré d’un tribun, mais ceux qu’un général avait enlevés aux ennemis de l’État ; on élevait des autels qui rendaient saint le lieu où ils avaient été consacrés : Papirius défendit de faire toutes ces consécrations sans un ordre du peuple. Si vous voulez y comprendre nos maisons et nos terres, soit : mais, je vous le demande, par quelle loi avez-vous été autorisé à consacrer ma maison ? en quel lieu vous en a t-on donné le pouvoir ? de quel droit l’avez-vous fait ? Je ne parle pas de la religion, mais des biens de tous tant que nous sommes ; je ne discute pas d’après le droit pontifical, mais d’après le droit public.

L. La loi Papiria défend de consacrer un édifice sans l’ordre du peuple. Je veux qu’il s’agisse de nos maisons, et non des temples. Montrez un seul mot de consécration dans votre loi même, s’il faut appeler loi ce cri de votre scélératesse et de votre barbarie. Si, dans ce naufrage de la république, vous aviez pu penser à tout, ou si votre secrétaire, pendant que Rome était en feu, n’eût pas été occupé à faire signer des billets aux exilés de Byzance et aux ambassadeurs des rois, et qu’il eût rédigé à loisir les articles ou plutôt les monstruosités de votre loi, vous auriez pour vous, sinon le droit, au moins la forme. Mais que de choses à faire en même temps ! c’étaient des sommes dont il fallait assurer le payement ; des traités à conclure pour le trafic des provinces ; des titres de rois à vendre au plus offrant, un dénombrement de tous les esclaves de Rome à dresser rue par rue ; des ennemis à réconcilier ; des commandements à distribuer à une jeunesse ignorante ; du poison à préparer pour le malheureux Séius ; enfin, des mesures à prendre pour assassiner Pompée, le défenseur et la sauvegarde de l’empire ; pour que le sénat ne fût plus rien ; que les gens de bien fussent condamnés pour jamais aux larmes, et que la république, trahie par les consuls, demeurât livrée aux violences tribunitiennes. Au milieu de tant d’affaires importantes,