Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/90

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convaincu des vols et des forfaits les plus odieux, non-seulement en Sicile, mais en Achaïe, en Asie, en Cilicie, en Pamphylie, à Rome enfin et sous les yeux de l’univers. Qui pourrait, après tout, blâmer ma conduite ou mes intentions ?

III. J’en atteste les dieux et les hommes, quel service plus important puis-je rendre aujourd’hui à la république ? Que peut-il y avoir de plus agréable au peuple romain, de plus conforme aux vœux de nos alliés et des nations étrangères, de plus utile au salut et aux intérêts de tous ? Des provinces ravagées, foulées, ruinées de fond en comble ; des alliés, des tributaires du peuple romain, accablés, réduits à la misère, ne viennent plus vous demander une espérance de salut, mais une consolation dans leur désastre. Ceux qui désirent que le pouvoir judiciaire demeure aux mains des sénateurs se plaignent de ne pas avoir des accusateurs dignes de leur rôle ; ceux qui osent accuser réclament plus de sévérité dans les jugements. Cependant le peuple romain, au milieu des malheurs et de la détresse qui l’accablent, ne souhaite rien tant que de voir dans la république la rigueur et la majesté des anciens tribunaux. C’est le vice des jugements qui a fait si vivement désirer le rétablissement de la puissance tribunitienne. C’est le discrédit des jugements qui a fait demander aujourd’hui qu’on en chargeât un autre corps ; c’est par la faute et par l’avilissement des juges que le titre de censeur, qui semblait autrefois si terrible au peuple, se dispute aujourd’hui comme un titre honorable et populaire. Au milieu de débordements si coupables, des plaintes continuelles du peuple romain, du discrédit des tribunaux, des soupçons élevés contre le sénat, persuadé que le seul remède à tant de maux est que des hommes capables et intègres embrassent enfin la défense de la république et des lois, je suis, je l’avoue, accouru dans l’intérêt commun, au secours de l’État, du côté où était le plus pressant danger.

Maintenant que j’ai exposé les motifs qui m’ont fait accepter cette cause, je dois exposer l’objet de notre contestation, afin que vous ayez une règle à suivre dans le choix de l’accusateur.

Or, il me semble, juges, que dans un procès en concussion, s’il se présente plusieurs accusateurs, il y a surtout deux choses à considérer. D’abord, quel est celui que désire le plus avoir pour avocat les victimes présumées de l’injustice ; ensuite quel est celui que redoute le plus l’homme à qui l’on attribue ces outrages.

IV. Quoique ces deux choses soient assez claires dans cette cause, je ne laisserai point de les traiter l’une et l’autre, et je commencerai par celle qui doit avoir le plus de valeur à vos yeux ; je veux parler de la volonté de ceux qui ont souffert l’injustice, et pour lesquels vous avez établi ce tribunal contre les concussionnaires. C. Verrès est accusé d’avoir pendant trois ans ravagé la province de Sicile, dévasté les villes, pillé les maisons, dépouillé les temples. Tous les Siciliens sont ici pour se plaindre, ils ont recours à mon zèle, qu’ils connaissent pour l’avoir longtemps éprouvé. C’est par ma voix qu’ils implorent votre secours et celui des lois du peuple