Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/91

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romain ; c’est moi qu’ils ont choisi pour protéger leur infortune ; moi, pour venger leurs injures ; moi, pour poursuivre leurs droits ; moi, pour plaider leur cause. Direz-vous, Cécilius, que je me charge de cette affaire, sans que les Siciliens m’en aient prié, ou que la volonté de ces bons et fidèles alliés ne doit pas avoir d’autorité sur leurs juges ? Si vous osez dire, comme voudrait le persuader C. Verrès, votre ennemi prétendu, que les Siciliens ne m’ont point confié leur défense, vous déchargez tout d’abord votre ennemi, non pas d’une simple présomption, mais d’un jugement réel, puisqu’on a répandu partout le bruit que les Siciliens cherchaient contre lui un accusateur. Si vous, son ennemi, vous niez un fait qu’il n’ose contredire, lui à qui ce fait est le plus nuisible, prenez garde de paraître mettre un peu trop d’amitié dans votre haine. Ensuite, j’ai pour témoins les plus illustres personnages de notre république, que je n’ai pas besoin de nommer tous. Je ne m’adresserai qu’à ceux qui sont ici présents, et que je ne voudrais pas avoir pour témoins de mon impudence, si j’osais avancer un mensonge : interrogez C. Marcellus, membre de ce tribunal ; interrogez Cn. Lentulus Marcellinus, que j’aperçois aussi, dans la loyauté et la protection desquels les Siciliens mettent surtout leur confiance, puisque la province entière est liée à tout ce qui porte le nom de Marcellus. Ils savent que non-seulement on m’a chargé du soin de cette affaire, mais qu’on y a mis tant d’instances qu’il fallait ou plaider cette cause, ou manquer aux devoirs de l’amitié. Mais pourquoi recourir à ces témoignages, comme s’il s’agissait d’un fait obscur ou douteux ? Vous voyez ici présents les hommes les plus distingués de la province, qui vous supplient, juges, vous conjurent de ne point vous écarter de leur choix dans celui que vous ferez d’un défenseur. Vous voyez les députés de toutes les villes de la Sicile, a l’exception de deux, qui, si elles en avaient envoyé, auraient peut-être atténué la gravité de deux délits dont elles ont partagé la honte avec Verrès. Mais pourquoi les Siciliens ont-ils eu recours à moi de préférence ? J’en dirais la raison, si l’on doutait qu’ils se fussent adressés à moi. Mais puisque ce fait est maintenant manifeste, et que les preuves en sont sous vos yeux, je ne vois pas quel tort on pourrait me faire en m’objectant cette préférence. Toutefois je n’ai pas assez de présomption pour affirmer à mes juges dans ce plaidoyer, ni même pour laisser croire à personne que la Sicile m’a préféré à tous les protecteurs. Non, il n’en est pas ainsi ; mais on a considéré les occupations de chacun, sa santé, les moyens qu’il avait d’agir. Quant à moi, tels ont toujours été sur ce point mes désirs et mes sentiments : j’aurais mieux aimé que cette cause fût plaidée par tout autre de ceux qui pouvaient la défendre, mais qu’elle le fût par moi plutôt que par personne.

V. Il est donc certain que les Siciliens se sont adressés a moi. Il nous reste à examiner quelle valeur cette démarche peut avoir à vos yeux ; et quelle autorité doivent trouver près de vous les alliés du peuple romain, qui vous supplient et vous demandent justice. Mais qu’ai-je besoin d’en