Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/210

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ment à ce but. La puissance que nous avons signalée y dirigeait aussi, quoique moins visiblement, les devoirs de la candidature. Les soins si nombreux, si variés, si empressés, si humbles, auxquels l’ambition astreignait, envers les derniers même des plébéiens, ces fiers patriciens, ces nobles altiers, comblaient, dans la pensée de tous, l’intervalle immense qui séparait les uns des autres ; ils les égalaient tous comme des anneaux de la même chaîne sociale. Leur effet nécessaire était, ici, de tempérer l’orgueil, de corriger l’arrogance, de réprimer le penchant au mépris ; là, de consoler l’abaissement, d’adoucir la jalousie, d’éteindre le sentiment de la haine. Dans les promesses, les offres, les démarches d’un candidat, tout d’ailleurs n’était point, tout ne pouvait être imposture. Des services et des bienfaits, des liaisons de protection, de bienveillance et d’amitié, en devenaient les conséquences honorables, et resserraient, entre les individus, le lien sacré qui unissait les deux ordres de l’état.

L’esprit des institutions, aux premiers siècles de la république, subjugua les prétentions exclusives de la classe patricienne, qui lui était directement opposée, et détermina la création du tribunat et l’admission des plébéiens aux magistratures curules. Il succomba dans les derniers temps, se trouvant en contradiction avec l’état politique de la cité entière. L’excès de richesse auquel étaient parvenus les nobles dominants, leur avait assuré une prépondérance trop bien sentie par les autres et par eux-mêmes, et accrue encore par le repos momentané que fit succéder Sylla aux troubles populaires. Dès lors, à la place des deux ordres, il n’y eut plus dans Rome, à proprement parler, que deux classes : ceux qui voulaient dominer, et ceux qui, par vanité, par égoïsme, par pusillanimité, par ignorance, étaient tout prêts à livrer aux premiers la patrie et leurs droits personnels.

La candidature subit sa part de cette altération générale. Déjà, et en proportion de la corruption des mœurs, s’était introduit l’usage de manœuvres peu délicates, dont on ren-