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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/169

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ce qu’il appelle des emplacements et des images c’est en cela qu’il fait consister principalement la mémoire artificielle, et il traite cette partie avec beaucoup de soin, d’étendue et de subtilité.


LIVRE QUATRIÈME.

Comme l’auteur a dessein, en parlant de l’ÉLOCUTION d’accompagner ses définitions d’exemples écrits par lui-même, et qu’il prévoit les reproches que lui attirera cette innovation il indique, dans une espèce de préface, les raisons qui l’ont déterminé à s’écarter de la coutume des autres rhéteurs. Il s’attache à prouver la sagesse de son opinion, comparée à l’opinion de ceux qui choisissent leurs exemples dans les meilleurs ouvrages des poètes et des orateurs. C’est la matière des sept premiers chapitres. Depuis le chapitre VII jusqu’au chapitre XII, il s’occupe de l’élocution elle-même, et des trois genres de styles. Il parle ensuite des qualités de l’élocution, de la correction, de l’élégance, et enfin de la noblesse, qu’il fait consister dans le bon usage des figures de mots et de pensées. Il s’étend beaucoup sur chaque figure, dont il donne des exemples : c’est ce qui fait l’objet des derniers chapitres de ce Livre et de ce Traité depuis le chapitre XII jusqu’à l’épilogue ou la conclusion.


LIVRE PREMIER.

I. Bien que mes affaires domestiques ne me permettent guère de me livrer à l’étude, et que je consacre plus volontiers à la philosophie le peu de moments qu’elles me laissent, toutefois, C. Hérennius, ainsi que vous m’en avez prié, je me détermine à traiter de l’art oratoire : vous ne penserez pas du moins que j’aie reculé devant les difficultés d’un pareil travail, ou que je m’y sois refusé, quand c’est vous qui me le demandiez. Et même, je m’y suis mis avec d’autant plus d’ardeur que ce n’est pas sans motif, je l’ai bien vu, que vous voulez connaître les préceptes de la rhétorique. L’abondance de la parole, la facilité de l’élocution, ne sont pas de médiocres avantages en effet, lorsque c’est un jugement droit, un esprit sage et mesuré qui les gouvernent. Voilà pourquoi j’ai laissé de côté tous ces ornements dont la vanité des rhéteurs grecs a fait un étalage aussi pompeux que frivole. Car, dans la crainte de ne pas paraître en savoir assez, et pour faire croire la science beaucoup plus difficile qu’elle ne l’est réellement, ils sont allés chercher des choses qui n’ont aucun rapport avec leur sujet. Pour moi, je me suis renfermé dans ce qui me semblait du domaine de la rhétorique. Ce n’est en effet ni l’espérance du gain, ni l’ambition de la gloire qui m’engagent, comme beaucoup d’autres, à écrire ; mon seul but est de répondre à vos vœux, autant qu’il est en mon pouvoir. Mais pour ne pas trop prolonger ce préambule, je vais entrer en matière, après vous avoir donné cet avis, toutefois : que l’art, sans l’exercice assidu de la parole, n’est pas d’un grand secours, d’où vous devez conclure qu’il faut joindre la pratique aux préceptes que je vais tracer.

II. Le devoir de l’orateur est d’être en état de parler sur toutes les questions de l’ordre civil, qui sont réglées par les coutumes ou par les lois, en se conciliant, autant que cela peut dépendre de lui, l’assentiment des auditeurs. Il y a trois genres de causes qu’il est obligé de connaître : le démonstratif, le délibératif et le judiciaire. Le démonstratif, qui a pour objet la louange ou le blâme d’une personne en particulier ; le délibératif, qui, reposant sur l’examen d’une question douteuse, se propose de conseiller ou de dissuader ; et le judiciaire, qui consiste dans une controverse, et renferme l’accusation ou l’attaque en même temps que la défense. J’enseignerai d’abord quelles sont les qualités nécessaires à l’orateur ; je ferai voir ensuite comment il convient de traiter ces différents genres. Il faut dans l’orateur l’invention, la disposition, l’élocution, la mémoire et la prononciation. L’invention lui fait trouver les moyens sûrs ou vraisemblables d’assurer le succès de sa cause. La disposition est l’ordre dans la distribution des parties ; elle lui indique la place où chacune doit être mise. L’élocution approprie aux idées fournies par l’invention les mots et les tours qui leur conviennent