le mieux. La mémoire fixe solidement dans l’esprit les pensées, les mots et la disposition du discours. La prononciation fait nuancer avec grâce la voix, la physionomie et le geste. Nous avons trois moyens d’acquérir tous ces avantages : l’art, l’imitation, l’exercice. L’art, c’est l’ensemble des préceptes qui tracent la route de l’éloquence et enseignent à suivre cette route. L’imitation nous fait travailler avec un zèle intelligent pour ressembler à certains modèles. L’exercice est le continuel usage de la parole, et l’habitude qu’on s’en fait.
J’ai fait connaître les genres de causes que doit traiter l’orateur et les qualités qui lui sont nécessaires ; je vais parler maintenant de l’application qu’il en peut faire dans la pratique de l’éloquence.
III. L’invention s’étend aux six parties oratoires : l’exorde, la narration, la division, la confirmation, la réfutation, la péroraison. L’exorde est le début du discours ; il dispose l’esprit de l’auditeur à l’attention. La narration est l’exposé réel ou vraisemblable des faits. Dans la division nous établissons les points qui sont hors de doute, ceux qui sont contestés, et nous exposons l’objet du discours. La confirmation développe nos arguments avec leurs preuves. La réfutation détruit ceux qu’on nous oppose. La péroraison termine avec art le discours. Maintenant que, des devoirs de l’orateur, je suis passé, pour les mieux faire connaître, aux parties oratoires, en les rapportant à l’invention, je crois devoir traiter d’abord de l’exorde. La cause une fois déterminée, il faut, pour y approprier plus convenablement l’exorde, considérer à quel genre elle appartient. Ces genres sont au nombre de quatre : l’honnête, le honteux, le douteux et le bas. La cause appartient au genre honnête, quand nous défendons ce qui serait probablement défendu par tout le monde, ou que nous combattons ce que chacun repousserait comme nous : par exemple, quand nous parlons en faveur d’un homme de bien, contre un parricide. On entend par honteuse, la cause qui a pour objet d’attaquer ce qui est honnête, ou de protéger ce qui ne l’est pas. Elle est douteuse quand elle participe à la fois des deux précédentes ; elle est basse, quand son objet inspire le mépris.
IV. Il conviendra, par conséquent, que l’exorde soit approprié au genre de la cause. Il y a deux sortes d’exordes : le simple début, que les Grecs appellent προοίμιον, et celui qui se fait par insinuation, qu’ils nomment ἔφοδος. L’exorde n’est qu’un simple début quand, dès l’abord, nous disposons l’esprit de l’auditeur à nous écouter ; il a pour objet de nous le rendre attentif, docile, bienveillant. Si notre cause est douteuse, afin d’empêcher que ce qu’elle a de honteux ne puisse nous nuire, nous commencerons par attirer la bienveillance. Si elle est du genre bas, nous exciterons l’attention ; si elle est honteuse, il faudra recourir à l’insinuation, dont il sera parlé tout à l’heure, à moins que nous n’ayons trouvé le moyen de capter la bienveillance en incriminant notre adversaire. Si elle est honnête, nous pourrons indifféremment faire usage du simple début, ou nous en passer. Si nous voulons l’employer, il faudra montrer en quoi la cause est honnête, ou bien exposer en peu de mots notre