Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/185

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dérogation, ensuite si leur opposition est telle que l’une ordonne et que l’autre défende ; ou bien que la première contraigne et que la seconde laisse faire. Car ce serait se défendre bien faiblement que de se disculper par une loi qui permet, en présence d’une autre qui ordonne ; l’ordre formel l’emportant sur la permission. La défense est faible encore lorsqu’on fait voir qu’on s’est conformé aux prescriptions d’une loi qui a été abrogée ou réformée, en négligeant celles d’une loi postérieure. Aussitôt après ces considérations, nous ferons connaître la loi qui nous protége ; nous la lirons à haute voix, nous en ferons l’éloge. Nous expliquerons ensuite l’intention de la loi qu’on nous oppose, et nous l’amènerons à nous servir. Enfin nous emprunterons à la question judiciaire absolue la doctrine du droit ; nous rechercherons si ce droit est pour l’une ou pour l’autre des lois contraires ; question que nous traiterons plus tard.

XI. Si la disposition écrite est ambiguë, de manière à présenter deux ou plusieurs sens, voici comment il faut en traiter : on cherche en premier lieu s’il existe en effet quelque ambiguïté ; on fait voir ensuite comment se serait exprimé l’auteur du texte, s’il avait voulu y donner le sens qu’offre l’interprétation des adversaires. Après quoi nous démontrerons que la nôtre est admissible, qu’elle n’a rien que de conforme à l’honneur, à la justice, à la loi, aux usages, à la nature, à la droiture et à l’équité ; tandis que celle de nos adversaires y répugne : qu’il n’y a pas d’ambiguïté, puisqu’on comprend quel est le vrai sens. Il y a des auteurs qui regardent comme parfaitement appropriée à ce genre de discussion, cette connaissance des amphibologies qu’ont professée les dialecticiens. Moi, je pense au contraire que, non seulement elle n’est d’aucun secours, mais qu’elle doit encore embarrasser beaucoup. Tous ces sophistes, en effet, courent après les expressions à double face, même après celles qui en ont une qui ne signifie rien du tout. Aussi, quand ils écoutent, ils interrompent à tout propos tous les discours ; quand ils parlent, ils ne sont que de fâcheux et d’obscurs interprètes ; et à force de vouloir parler avec prudence et précision, ils finissent par ne pouvoir rien dire. Ils redoutent tellement de laisser échapper un terme équivoque, qu’ils ne peuvent prononcer leur propre nom. Mais je réfuterai, quand vous le voudrez, leurs opinions puériles, par les raisons les plus solides ; pour le moment, il n’était pas hors de propos d’en dire en passant quelque chose, afin de marquer mon mépris pour cette école impuissante et bavarde.

XII. Quand on emploie la définition, on définit d’abord rapidement le mot dont il s’agit ; par exemple : « Celui-là est coupable de lèse-majesté, dont la violence s’attaque aux choses qui font la grandeur de l’État : quelles sont ces choses ? les suffrages du peuple et le conseil des magistrats : or, tu as privé le peuple du droit de suffrage et les magistrats du droit de s’assembler, lorsque tu as renversé les ponts. » L’accusé répondra au contraire « : Celui-là porte atteinte à la majesté publique, qui fait perdre à l’État quelque chose de sa grandeur. Moi je ne l’ai point altérée, mais j’ai empêché qu’on ne l’altérât ; car, j’ai sauvé le trésor public ; j’ai résisté aux mauvaises passions ; je n’ai pas souffert que la majesté romaine pérît tout entière. » Après cette définition rapide et faite dans l’intérêt de la cause, on en rapproche le fait que l’on défend ; on combat ensuite la définition contraire ; on la montre fausse, impropre, honteuse, outrageante ; et on emprunte encore ses moyens aux doctrines du droit dans la question judiciaire absolue, dont nous allons parler tout à l’heure. Dans les récusations, l’orateur cherche d’abord si celui qui intente une action, une réclamation, une pour-