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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/197

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n'est pas succincte; si elle ne laisse pas voir, après la récapitulation, un point certain et fixe, qui montre quel était le but de l'argumentation, celui des preuves, de leur confirmation, et le résultat de l’œuvre tout entière de l'orateur.

XXX. Les conclusions, que les Grecs appellent épilogues, ont trois parties : l'énumération, l'amplification et la commisération; car elles doivent énumérer, amplifier, attendrir. On peut les employer en quatre endroits différents du discours : dans l'exorde, après la narration; à la suite des preuves confirmatives; et dans la péroraison. L'énumération recueille et rappelle en peu de mots ce dont nous avons parlé, pour en renouveler le souvenir, et non pour les répéter ; elle reproduit l'ordre que nous avons suivi dans nos pensées, afin que l'auditeur, s'il les a confiées à sa mémoire, puisse les y retrouver avec ce secours. Il faut avoir soin de ne pas faire remonter l'énumération à l'exorde ou à la narration ; car alors l'orateur paraîtrait n'avoir fait et préparé son discours avec tant de soin que pour faire étalage de son art, de son esprit ou de sa mémoire. Il faut donc ne la commencer qu'à la division; puis exposer rapidement ce qu'on a dit dans la confirmation et la réfutation. L'amplification emploie le lieu commun pour exciter l'auditeur en faveur de la cause. Il y a dix sortes de lieux communs très propres à exagérer une accusation. Le premier se tire de l'importance et de la dignité d'une chose, prouvée par l'intérêt qui y ont pris les dieux immortels, nos ancêtres, les rois, les cités, les nations, les hommes les plus sages, le sénat, et surtout par la sanction qu'elle a reçue des lois. Le second consiste à examiner quels sont ceux auxquels se rapporte la chose qui fait le sujet de l'accusation; si c'est à l'universalité des hommes, ce qui la rend plus atroce; si c'est aux supérieurs, c'est-à-dire, ceux qui fournissent le premier lieu commun, celui de l'importance de la chose; si c'est aux égaux, c'est-à-dire à ceux qui sont placés dans une situation pareille, du côté de l'esprit, du corps ou de la fortune ; ou enfin, aux inférieurs, ceux qui, sous tous ces rapports, sont au-dessous de l'accusé. Au moyen du troisième, on demande ce qui arrivera si l'on a la même indulgence pour tous les coupables; et, dans cette supposition, on fait voir quels seraient les dangers et les inconvénients auxquels on s'exposerait. Le quatrième sert à démontrer, que si l'on fait grâce à l'accusé, beaucoup d'autres, que la crainte du jugement retient encore, se porteront au crime avec plus d'ardeur. Le cinquième fait voir, que si l'on prononce une fois autrement, rien ne pourra porter remède au mal, ni réparer l'erreur des juges. C'est là qu'il ne sera pas inutile de montrer par des exemples qu'il y a d'autres abus que le temps peut affaiblir, ou la prudence rendre sans danger; mais que pour celui dont il s'agit, rien ne pourra contribuer à l'atténuer ni à le détruire. Le sixième démontre la préméditation, et établit qu'il n'y a pas d'excuse pour un crime volontaire, tandis qu'on peut pardonner avec justice à l'imprudence. Le septième fait ressortir tout ce qu'il y a eu d'horrible, de cruel, d'atroce, d'oppressif dans le crime; tels sont, par exemple, les outrages commis envers des femmes, ou quelqu'une de ces entreprises qui mettent les armes à la main, et font répandre le sang dans les combats. Le huitième démontre que