Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/206

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l’habitude ; je me contenterai de renvoyer à ceux qui enseignent les moyens artificiels de cultiver cet organe.

XII. Je vais m’occuper de cette partie de la fermeté que l’exercice de la déclamation conserve, et de la flexibilité, qui est surtout nécessaire à l’orateur, et que le même moyen procure. Ce qui peut assurer le plus la fermeté de la voix, c’est de parler, en commençant, d’un ton très calme et très modéré. Car on blesse les artères, si, avant de les préparer peu à peu par des tons doux, ou les enfle par des éclats criards. Il est bon aussi de faire usage de longs repos, car la respiration rafraîchit la voix, et le silence repose l’organe. Il faut quitter un ton habituellement élevé, pour reprendre celui de la conversation ; car il résulte de ces transitions que la voix, n’ayant épuisé aucun de ses tons, reste maîtresse de les prendre tous. On doit éviter les exclamations aiguës, car elles produisent une percussion qui nuit aux artères, et tout ce que la voix a d’éclat, se perd dans ce seul effort. Il n’y a pas d’inconvénient à faire, à la fin du discours, des tirades d’une seule haleine ; le gosier s’échauffe, les artères se remplissent, et la voix, qui a passé par les différents tons, finit par en prendre un égal et soutenu. Souvent, nous devons rendre grâces à la nature, comme il arrive dans ce cas. Car les moyens que nous avons fait connaître comme propres à conserver la voix, servent encore à l’agrément de la prononciation. En sorte que ce qui tourne à l’avantage de l’organe, prépare le plaisir de l’auditeur. Pour que la voix reste ferme, il est utile, avons-nous dit, de la modérer en débutant. Quoi de plus désagréable que d’entendre crier dès l’exorde ? Les repos affermissent la voix, ils donnent aux périodes plus de grâce en les détachant, et laissent à l’auditeur le temps de la réflexion. Les changements de ton sont favorables à la voix, outre que la variété plaît beaucoup à l’auditeur ; le ton familier les intéresse, un ton plus haut les réveille. Une déclamation aiguë blesse l’organe de la voix ; elle blesse aussi l’auditoire ; car elle a quelque chose de peu noble, qui convient plus aux criailleries des femmes, qu’à la dignité de l’homme. Vers la péroraison, les tirades sont d’un bon effet pour la voix ; ne réchauffent-elles pas aussi puissamment l’âme de l’auditeur, au moment le plus décisif du discours ? Les mêmes moyens servent à la fermeté de la voix et à l’agrément du débit. J’ai pu réunir dans ce paragraphe toutes les observations que m’ont semblé fournir ces deux objets. Ce qui concerne les autres qualités trouvera bientôt sa place.

XIII. Ainsi la flexibilité de la voix appartenant tout entière à la rhétorique, demande une attention particulière. Elle comprend le ton ordinaire de la conversation, celui de la discussion, et celui de l’amplification. Le premier est calme et ressemble à celui du langage habituel ; le second est vif, comme il convient à la confirmation ou à la réfutation. Le troisième a pour objet d’exciter dans l’âme de l’auditeur la colère ou la pitié. Le ton ordinaire convient dans quatre circonstances ; il se prête à la dignité, à la démonstration, à la narration, à la plaisanterie. La dignité s’exprime avec une certaine gravité de sons et à voix un peu basse ; la démonstration fait voir, dans un