Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/213

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telligence, l’étude, le travail, les efforts. Vous aurez soin d’avoir le plus grand nombre possible de cases, et de les disposer surtout d’après les règles prescrites. Il est bon de s’exercer chaque jour à y placer des images. Si nos occupations nous détournent quelquefois de nos autres études, il n’y a rien qui puisse nous arrêter dans celle-ci. Il n’y a pas une circonstance en effet où nous ne voulions confier quelque chose à notre mémoire, surtout quand une affaire importante nous occupe. Vous n’ignorez pas combien une mémoire facile a d’avantages, et combien il faut apporter de soin à l’acquérir ; vous l’apprécierez, quand vous en aurez fait l’expérience. Je n’ai pas l’intention de vous donner à cet égard d’autres conseils, de peur de paraître m’être défié de votre zèle, ou n’avoir pas complètement traité la matière. Je vais parler à présent de la cinquième partie de la rhétorique ; vous, rappelez souvent les premières à votre esprit, et, ce qui est surtout nécessaire, fortifiez-vous par l’exercice dans l’étude de ces règles.


LIVRE QUATRIÈME.

Comme, dans ce livre, j’ai traité de l’élocution, C. Hérennius ; que lorsqu’il m’a fallu des exemples, j’en ai composé, et qu’en cela je me suis écarté de la coutume adoptée par les Grecs qui ont écrit sur ce sujet, je ne puis me dispenser de vous en donner en quelques mots la raison. Une preuve que c’est par nécessité que je l’ai fait, et non pas par amour-propre, c’est que dans les livres précédents vous ne trouvez ni préambules ni digressions. Ici, j’entrerai dans le peu de détails qui me sont indispensables, après quoi j’achèverai l’exposition des règles de l’art, en reprenant le plan que je me suis proposé. Mais vous comprendrez mieux mon opinion, si je vous fais connaître d’abord celle des rhéteurs grecs.

Ils pensent, pour plusieurs raisons, qu’après avoir donné leurs préceptes sur les ornements, qu’exige l’élocution, ils doivent présenter pour chaque genre un exemple tiré d’un orateur ou d’un poète estimé. D’abord c’est par modestie, disent-ils, qu’ils le font, parce qu’il y a, selon eux, une sorte d’ostentation à ne pas se contenter de donner les règles de l’art, et à vouloir enfanter des exemples ingénieusement ; c’est se montrer soi-même, ajoutent-ils, ce n’est pas montrer l’art. Il y a donc avant tout une sorte de pudeur qui nous interdit de paraître n’approuver, n’aimer que nous-mêmes, tandis que nous méprisons les autres, ou les tournons en ridicule. Lorsque nous pouvons emprunter des exemples à Ennius ou à Gracchus, n’y a-t-il pas de la présomption à les dédaigner pour prendre les nôtres ? D’un autre côté, les exemples tiennent lieu de preuves ; car l’exemple confirme le précepte, comme le ferait une preuve, et fortifie l’impression qu’il n’a que légèrement produite. Ne serait-il donc pas ridicule,