Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette figure est utile dans le cas où l’on veut indiquer d’une manière détournée une chose, qui ne doit pas être montrée à découvert ; ou bien qui est trop longue, trop peu noble, trop difficile à prouver, ou trop facile à réfuter. Il y a plus d’avantage alors à faire naître un soupçon par des mots couverts, qu’a s’avancer pour une chose qui serait susceptible de contestation.

Il y a Disjonction, lorsque l’une et l’autre, ou chacune des choses dont on parle, est déterminée par un mot à part ; ainsi : « Le peuple romain a détruit Numance, anéanti Carthage, renversé Corinthe, ruiné Frégelles. Les Numantins n’ont point trouvé de secours dans leurs forces corporelles ; les Carthaginois n’ont tiré aucune force de leurs connaissances dans l’art militaire ; toutes les ruses de la perfidie n’ont pu sauver Corinthe ; Frégelles n’a pas été protégée par sa communauté de mœurs et de langage avec les Romains. — La beauté se flétrit par la maladie, ou s’éteint par la vieillesse. » Chacun des deux membres de ce dernier exemple, comme tous ceux de l’exemple précédent, sont caractérisés, on le voit, par un mot particulier.

La Conjonction réunit par un mot les différentes parties d’une proposition ; par exemple : « La beauté se flétrit ou par la maladie ou par la vieillesse. »

L’Adjonction consiste, au contraire, à placer le premier, ou le dernier, le mot dans lequel se résume la pensée ; le premier, comme dans cette phrase : « Deflorescit formœ dignitas aut morbo, aut vetustate. » Le dernier, comme dans celui-ci : « Aut morbo, aut vetustate formae dignitas deflorescit. » Cette figure affecte la grâce : aussi doit-on l’employer rarement, de peur qu’elle ne paraisse monotone. La conjonction donne de la rapidité ; l’on peut en faire un plus fréquent usage. Ces trois figures appartiennent à une même classe.

XXVIII. La Conduplication est la répétition du même mot ou de plusieurs mots, soit pour amplifier, soit pour émouvoir. Par exemple : « Les Gracques, oui, les Gracques excitent des guerres domestiques au sein de Rome. - Vous n’avez pas été attendri, lorsque votre mère embrassait vos genoux ; vous n’avez pas été attendri. - Osez-vous paraître encore aux yeux de vos concitoyens, vous, traître à la patrie : oui, traître à la patrie ! osez-vous soutenir encore leur présence ? » Cette répétition du même mot émeut vivement l’auditeur, et porte une blessure plus profonde à l’adversaire ; c’est comme un glaive que l’on plonge plusieurs fois au même endroit. L’Interprétation, au lieu de reproduire le même mot, le remplace par un autre qui a la même signification. Par exemple : « Vous avez renversé la république de fond en comble ; vous avez enseveli l’État sous ses ruines. - Vous avez indignement frappé votre père, vous avez porté sur l’auteur de vos jours une main criminelle. » - L’âme de l’auditeur est nécessairement émue par cette figure qui renouvelle l’impression produite par le premier mot, en l’interprétant au moyen d’un second.

La Commutation sert à transposer deux pensées contraires, de telle façon que la seconde paraisse déduite de la première, tandis qu’elle la