Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/243

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qui se font par les contraires, par la négation, par un rapprochement ou succinct ou détaillé. Nous allons donner des exemples de chacune de ces espèces de similitude.

XLVI. La similitude par les contraires ne sert qu’à l’ornement. « Ce n’est pas comme dans les jeux où l’athlète qui prend le flambeau ardent, est plus agile à la course que celui dont il le reçoit ; le nouveau général qui prend le commandement d’une armée ne vaut pas celui qui se retire. En effet, le coureur est fatigué quand il remet le flambeau à son successeur qui a toutes ses forces ; ici, c’est un général expérimenté qui confie son armée à un général sans expérience. » Cette pensée pouvait être rendue d’une manière assez claire et assez évidente, en supprimant la similitude ; on pouvait dire : « Les généraux qui prennent le commandement d’une armée sont moins bons d’ordinaire que ceux qu’ils remplacent. » Mais on fait usage de la similitude pour orner le style, et lui donner plus d’éclat. C’est ici une similitude par les contraires ; car cette similitude consiste à trouver une chose, différente de celle qu’on montre véritable, comme nous l’avons vu tout à l’heure, dans l’exemple pris des coureurs. On emploie la similitude par négation, comme moyen de preuve. Par exemple : « Ni un cheval indompté, malgré ses bonnes qualités naturelles, ne peut rendre les services que l’on attend d’un cheval ; ni un homme ignorant, quel que soit son esprit, ne peut arriver à un vrai mérite. » La comparaison sert ici de preuve à la chose ; car il devient plus vraisemblable que le mérite ne peut s’acquérir sans la science, si l’on admet qu’un cheval même ne peut être utile s’il n’est pas dompté. Cette espèce de similitude est donc employée comme preuve ; c’est la similitude par négation. Elle est facile à reconnaître dès le premier mot de la phrase.

XLVII. On se sert de la similitude par un rapprochement succinct, quand on veut rendre sa pensée plus claire ; par exemple : « Dans le commerce de l’amitié, il ne faut pas, comme dans le combat de la course, ne faire que les efforts indispensables pour parvenir au but ; il faut employer son zèle et ses forces pour le dépasser. » Cette similitude a pour objet de rendre plus évidente l’erreur de ceux qui prétendraient, par exemple, que l’on a tort de prendre soin des enfants d’un ami quand ils ont perdu leur père : car elle montre que si un coureur n’a besoin que du degré de vitesse nécessaire, pour arriver jusqu’au but, un ami doit avoir assez de tendresse pour en donner encore des témoignages à celui qui en est l’objet, même lorsqu’il ne peut plus en jouir. C’est une similitude abrégée. Ici en effet, la comparaison n’est pas, comme dans les autres similitudes, détachée de la pensée qu’elle complète, mais elle s’y trouve réunie et confondue. Quand on veut mettre une chose sous les yeux, on emploie la similitude développée ; par exemple : « Voici un joueur de cithare qui s’avance couvert d’habits somptueux ; sa robe est tissue d’or ; sa chlamyde, bordée de pourpre, est nuancée de mille couleurs ; il porte une couronne d’or étincelante de belles et brillantes pierreries ; il tient à la main un instrument enrichi d’or et d’ivoire ; son extérieur, sa beauté,