Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/245

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fougueux, et l’impétuosité du lion le plus terrible. » Pour le blâme, et dans l’intention d’exciter la haine, l’envie ou le mépris ; la haine, par exemple : « Ce monstre se glisse tous les jours au milieu de la place publique, comme un dragon à la crête sanglante, aux dents aiguës, au regard empoisonné, à l’haleine fétide ; il promène ses yeux çà et là, cherchant une victime sur laquelle il puisse souffler une partie de son venin, qu’il puisse déchirer de ses dents, couvrir de son écume. » Pour exciter l’envie, par exemple : « Cet homme qui vante ses richesses, courbé, accablé sous le poids de son or, crie et jure comme un prêtre phrygien ou comme un devin. » Pour exciter le mépris : « Ce malheureux, qui, semblable au limaçon, se cache dans sa coquille et y reste en silence, on l’emporte avec sa maison et on le mange. »

Le Portrait consiste à représenter par les paroles l’extérieur d’une personne de manière à la faire reconnaître ; par exemple : « Je parle, juges, de cet homme rouge, petit, courbé, aux cheveux blancs et crépus, aux yeux de hibou, qui a une grande cicatrice au menton : peut-être vous le rappellerez-vous. » Cette figure est très utile, quand on veut faire reconnaître quelqu’un ; et très gracieuse, quand elle présente une peinture rapide et fidèle.

L. L’Éthopée décrit un caractère par certains traits, qui, semblables à des signes particuliers, sont le propre de sa nature. Voulez-vous peindre par exemple l’homme qui, sans être riche, s’en donne les apparences, vous direz : « Cet homme, juges, qui s’imagine qu’il est beau de passer pour riche, voyez d’abord de quel œil il nous regarde. Ne semble-t-il pas vous dire : Je vous donnerais volontiers, si vous ne m’importuniez pas. Mais quand il tient son menton de la main gauche, il croit éblouir tous les yeux par l’éclat de sa pierre précieuse et la splendeur de l’or. Lorsqu’il appelle ce seul esclave, que je connais, et que je ne pense pas que vous connaissiez, il lui donne tantôt un nom, tantôt un autre. Holà ! Sannion, lui dit-il, viens ici ; veille à ce que ces barbares ne dérangent rien. Il veut faire croire aux étrangers que c’est un esclave choisi parmi tous les autres. Il lui dit ensuite à l’oreille de dresser les lits de la table, d’aller demander à son oncle un Éthiopien, pour l’accompagner aux bains, ou de faire placer devant sa porte un cheval de prix, ou de préparer enfin quelque fragile simulacre de sa fausse gloire. Ensuite il crie à haute voix, pour que tout le monde l’entende : Fais en sorte que l’argent soit compté soigneusement avant la nuit, si cela est possible. L’esclave, qui connaît déjà le caractère de notre homme, lui répond : Il faut envoyer plusieurs esclaves, si vous voulez que toute cette somme soit apportée chez vous dans la journée. — Eh bien ! va, reprend celui-ci ; emmène avec toi Libanius et Sosie. — Je vais le faire. — Une autre fois, il voit par hasard venir à lui des étrangers qui l’ont accueilli magnifiquement pendant ses voyages. Quoique cette rencontre le trouble, il ne sort pas pour cela de son caractère. Vous faites bien de venir, leur dit-il, mais vous auriez mieux fait d’aller tout droit chez moi. Nous n’y aurions pas manqué, répondent les étrangers, si nous avions connu votre demeure. — Mais il était facile de vous la