Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/265

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est-à-dire, du point de discussion, et vous préparerez l’auditoire à vous entendre avec intérêt ; car je ne sépare point l’intérêt de l’attention, puisque le mieux disposé à vous entendre est celui qui promet le plus d’attention.

XVII. Comment faut-il traiter l’exorde par insinuation ? voilà ce qui doit ensuite nous occuper. Il faut l’employer dans les causes extraordinaires, c’est-à-dire, comme nous l’avons établi plus haut, quand l’auditoire est indisposé contre nous. Cette prévention naît de trois motifs : ou la cause a quelque chose de honteux, ou l’auditoire paraît déjà convaincu par ceux qui ont parlé, ou nous prenons la parole lorsque son attention parait fatiguée ; circonstance qui parfois ne le dispose guère mieux que les deux autres pour l’orateur.

Si la bassesse de la cause peut blesser l’auditoire, à la personne ou à la chose sur qui tombe le mépris, on peut substituer une personne ou une chose qui intéresse ; ou bien à la personne, substituez une chose, ou à la chose une personne, pour amener insensiblement l’auditeur de ce qui le blesse à ce qui lui plaît. Dissimulez d’abord l’intention de défendre ce qu’on vous reproche ; et quand l’auditoire sera calmé, commencez insensiblement votre justification ; dites que vous partagez l’indignation de vos adversaires contre l’action incriminée, et quand vous aurez adouci vos juges, montrez qu’aucun de ces reproches ne peut tomber sur vous. Protestez de vos égards pour vos accusateurs ; annoncez que vous ne voulez dire ni telle chose, ni telle autre ; enfin, sans blesser ouvertement des hommes environnés de la faveur publique, tâchez, par des attaques indirectes, de la leur enlever. Vous pouvez aussi rappeler un jugement rendu dans une affaire semblable, ou l’autorité de quelque précédent, et montrer que l’affaire était à peu près ou entièrement semblable à la vôtre, ou qu’elle était plus grave, ou qu’elle l’était moins.

Le discours de votre adversaire a-t-il persuadé l’auditoire (ce qu’il est facile d’apercevoir quand on sait par quels moyens s’opère la conviction ), il faut promettre de détruire avant tout la preuve sur laquelle il a le plus insisté et qui a fait le plus d’impression sur l’auditoire. On pourra tirer encore son exorde des paroles mêmes de l’adversaire, surtout des dernières, ou paraître incertain sur ce qu’on doit répondre d’abord, ou embarrassé sur le choix des réfutations qui s’offrent de toutes parts. L’auditeur qui vous croyait vaincu et terrassé ne peut se persuader que tant de confiance n’ait aucun fondement, et s’accuse plutôt d’une folle crédulité.

Si l’attention est fatiguée, on promettra d’abréger sa défense, de ne point imiter dans ses longs développements l’orateur qu’on vient d’entendre. Quand le sujet le permet, il n’est pas mal de commencer par quelque chose de neuf ou de singulier qui naisse de la circonstance, comme un cri, une exclamation ; ou même qui soit médité, comme un apologue, un conte, un sarcasme. Si la gravité du sujet vous ôte cette ressource, frappez d’abord les esprits de tristesse, d’étonnement ou de terreur. C’est un grand