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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/266

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avantage ; car si la douceur ou l’amertume des mets flatte ou pique un palais engourdi par le dégoût et la satiété, la surprise ou la gaieté savent aussi réveiller l’attention déjà fatiguée.

XVIII. Telles sont les règles particulières de l’exorde direct et de l’insinuation : celles qu’il me reste à tracer sont courtes et leur sont communes à tous deux.

L’exorde se propose surtout de donner à l’auditoire une idée favorable de l’orateur : il sera donc plein de gravité, de noblesse, semé de sentences ; rien de brillant, rien de fleuri, rien d’affecté ; ce serait faire soupçonner qu’il y entre de l’art, de l’étude, du travail ; et c’est ôter au discours la persuasion, et à l’orateur toute confiance.

Voici maintenant les défauts les plus communs de l’exorde : on doit les éviter avec soin. L’exorde est ou banal, ou commun, ou d’échange, ou trop long, ou étranger, ou d’emprunt, ou contraire aux préceptes. Il est banal, s’il s’applique indifféremment à plusieurs causes ; commun, quand il convient également aux deux parties ; d’échange, si l’adversaire, avec de légers changements, peut l’employer contre nous ; il est trop long, s’il renferme plus de mots ou de pensées qu’il n’est nécessaire ; étranger, s’il ne naît point de la cause même, et ne fait pas corps avec elle ; il est d’emprunt, quand il produit un effet différent de celui qu’exige le genre de la cause ; si, par exemple, il dispose seulement l’auditeur à écouter, quand il s’agit de se concilier sa bienveillance ; ou s’il est direct, quand l’insinuation est nécessaire. Enfin, il est opposé aux préceptes, s’il ne produit rien de ce qu’on attend de l’exorde, et s’il ne concilie ni l’attention, ni l’intérêt, ni la bienveillance de l’auditoire ; ou, ce qui est plus fâcheux encore, s’il l’indispose contre nous. Mais c’en est assez sur l’exorde.

XIX. La Narration est l’exposé des faits tels qu’ils se sont passés, ou qu’ils ont pu se passer. Il y a trois sortes de narrations. La première renferme la cause même et le point de discussion. La seconde s’éloigne du sujet afin de l’agrandir, de l’orner, pour y ajouter mi moyen d’accusation, établir un rapprochement, sans toutefois s’écarter trop loin. La dernière, qui n’a point de rapport au barreau, est, pour apprendre à écrire ou à parler, un exercice aussi agréable qu’utile. Elle se partage en deux espèces, dont l’une regarde les choses et l’autre les personnes. Celle qui s’occupe des choses a trois parties, la fable, l’histoire, les hypothèses. On appelle fable, ce qui n’est vrai ni vraisemblable, comme :

J’ai vu de grands serpents ailés attelés sous le joug.

L’histoire est le récit de faits véritables, mais éloignés de notre siècle. Par exemple : Appius déclara la guerre à Carthage. L’hypothèse est une chose supposée, mais vraisemblable ; comme dans Térence :

Aussitôt que mon fils fut sorti de l’enfance, mon cher Sosie.