Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/321

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mal définis. La question naît de l’ambiguïté des termes, quand le texte offre deux ou plusieurs sens qui empêchent de distinguer l’intention véritable de celui qui a écrit. Par exemple : « Un père de famille qui a institué son fils son héritier, lègue cent livres de vaisselle d’argent à « son épouse, en ces termes : QUE MON HÉRITIER DONNE A MA FEMME CENT LIVRES DE VAISSELLE D’ARGENT A SON CHOIX. Le père « mort, la mère demande à son fils la vaisselle la plus précieuse, les pièces les mieux travaillées. Le fils soutient qu’il ne doit lui donner que celles qu’il voudra. » Démontrez d’abord, s’il est possible, qu’il n’y a point d’ambiguïté dans les termes, puisque, dans la conversation, on emploie ce mot ou cette expression dans le sens que vous lui donnez. Prouvez ensuite que ce qui précède et ce qui suit rend clair l’endroit dont il s’agit. Si l’on considère chaque mot en particulier, tous, ou du moins le plus grand nombre, auront quelque chose d’ambigu ; mais si le sens du texte, dans son ensemble, est clair, il n’y a point d’ambiguïté. D’ailleurs, les autres écrits, les actions, les paroles, l’esprit, la conduite enfin de celui qui a rédigé, pourront vous éclairer sur son intention. Étudiez encore avec soin l’écrit dont il s’agit ; examinez-en toutes les parties, pour découvrir quelque chose de favorable au sens que sous y donnez, ou qui détruise celui de votre adversaire : car il n’est pas difficile, d’après le sens général de l’écrit, le caractère de celui qui l’a fait, et d’après les différents chefs qui appartiennent à la personne, de trouver ce qu’il a dû vraisemblablement écrire. Montrez ensuite, quand le sujet le permet, que le sens préféré par votre adversaire est beaucoup moins convenable que le vôtre, qu’il est impraticable, et qu’il n’atteint pas le but qu’on s’était proposé, tandis que le vôtre présente autant de facilité dans l’exécution que d’avantages dans le résultat. Supposons ( car rien ne nous empêche d’avoir recours à des suppositions, pour nous faire mieux comprendre ), supposons qu’une loi porte : UNE COURTISANE NE PEUT AVOIR UNE COURONNE D’OR ; EN A-T-ELLE UNE, QU’ON LA VENDE. On pourrait répondre à celui qui voudrait, aux termes de la loi, faire vendre la courtisane : « Proposer de vendre celle qui se vend tous les jours, est-ce un moyen raisonnable, et la loi serait-elle exécutée ? La vente de la couronne, au contraire, est aussi aisée « qu’utile, et on ne peut y trouver aucun obstacle. »

XLI. Examinez de plus si, en approuvant le sens de votre adversaire, on n’accuse pas l’auteur de l’écrit d’avoir négligé quelque chose de plus utile, de plus honnête ou de plus nécessaire. Montrez que si le sens que vous proposez est dicté par l’honneur, il n’est pas moins conforme à l’intérêt et commandé par la nécessité, et qu’il n’en est pas de même de celui de la partie adverse. Toutes les fois que la question naît ainsi de l’ambiguïté des termes d’une loi, attachez-vous à montrer qu’une autre loi a pourvu à l’objet que veut entendre votre adversaire. Il est encore important pour vous de faire voir quelles expressions eût employées le rédacteur de l’écrit, s’il eut voulu parler dans le sens qu’on vous oppose. Ainsi, dans la cause où il est question de vaisselle d’argent, la mère ne peut-elle pas dire que « le « testateur n’aurait point ajouté a SON CHOIX, s’il s’en fût