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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/586

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fonctions du préteur), et composés de juges ou plutôt de jurés (jurati judices) choisis parmi les citoyens qui avaient droit d’y siéger. Sylla, dictateur, ajouta deux nouveaux tribunaux pour juger les assassins, les empoisonneurs, les corrupteurs de juges et les juges corrompus. L’établissement des questions perpétuelles n’empêcha pas qu’il n’y eût encore des jugements rendus par le peuple, ou par des commissions extraordinaires, comme on le voit par les procès de Rabirius et de Milon. Voyez Beaufort, Rép. Rom., liv. v, chap. 4, et Montesquieu, Esprit des Lois, XI, 18.

XXVIII. L. Attio. Attius (qu’on nomme quelquefois Accius) était un poète tragique auquel Horace (Ép. II, I, 55) attribue de la grandeur et de l’élévation. Il naquit en 583 et mourut en 666. Cicéron, né en 647, a donc pu le connaître.

L. Paulli nepoti. Des quatre fils de Paul Émile, deux moururent, comme on sait, à l’époque même de son triomphe sur Persée. Un autre était entré par adoption dans la maison Cornélia ; ce fut le second Africain : l’autre dans la maison Fabia ; ce fut Q. Fabius Maximus Émilianus, père du Maximus dont il est question ici.

M. Drusus. M. Livius Drusus, un des ancêtres de l’empereur Tibère, fut appelé le patron du sénat, dont il avait ardemment défendu la cause contre C. Gracchus. (Suét., Tib., 3.) Son fils M. Drusus, dont il sera question, chap. 62, périt de mort violente pour avoir voulu, dans son Tribunat, satisfaire à la fois le parti du people et celui des nobles.

XXIX. In Scauri oratione. Scanrus était prince du sénat. Cicéron, en vingt endroits, le comble d’éloges. Salluste, Jug., 15, en fait un ambitieux avare et hypocrite. Pline, XXXVI, 15, le juge comme Salluste. Il paraît, au reste, par un trait que rapporte Val. Max., III, 7, que de son temps l’opinion publique lui était favorable. Peut-être Cicéron et Salluste exagèrent-ils l’un l’éloge et l’autre le blâme, pour une seule et même raison : Scaurus était un des principaux appuis de la noblesse. — Hujus quoque rei…. praecepta sunt. Ceci doit s’entendre des préceptes de la rhétorique sur les mœurs oratoires ; préceptes que Boileau a si bien résumés en deux vers :

Que votre âme et vos mœurs peintes dans vos ouvrages
N’offrent jamais de vous que de nobles images.

Tout ce qu’on pourrait dire de plus ne ferait qu’enseigner à l’orateur à feindre des vertus qu’il n’aurait pas.

XXX. In judicium vocatus esset. Ce procès eut lieu en 661. Rutilius s’était attiré la haine des chevaliers en aidant Scévola l’augure, proconsul d’Asie, à réprimer les brigandages des publicains. Or, ces publicains étaient chevaliers, et cet ordre était en possession exclusive des jugements publics, d’après une loi de C. Gracchus, restée en vigueur malgré la chute de ce tribun. On conçoit qu’un pareil procès offrit un grand intérêt politique et soulevât beaucoup de passions. Les chevaliers, accusant de concussion celui qui avait réprimé leurs concussions, et, ce qui est plus inique, les accusateurs juges en leur propre cause, devaient trouver dans l’ordre des patriciens une résistance énergique. Rutilius, condamné, se retira en Asie où il fut accueilli comme un bienfaiteur. Rappelé par Sylla, il ne voulut pas revenir pour être témoin des maux de sa patrie. Il était à Smyrne quand Mithridate fit massacrer quatre-vingt mille Romains. Il échappa à la faveur d’un déguisement, on peut-être dut-il son salut au respect qu’inspiraient ses vertus. Cicéron, de Orat., I, 53 et 54, fait sur ce procès les réflexions les plus intéressantes.

Statarios. Mot emprunté à l’art du comédien. Térence en fixe parfaitement la signification dans le prologue de l’Heautontimorumenos. Le vieillard dit au public :

Date potestatem mihi
Statariam agere ut liceat per silentium ;
Ne semper servus currens, iratus senex
Edax parasites, sycophanta autem impudens,
Avarus leno, assidue agendi sint mihi
Clamore summo, cum labore maximo.

On voit par là que statarius exprime un personnage tranquille et qui a peu de mouvement. En même temps le dernier vers explique très bien les mots de Cicéron, qui celeri motu et difficili utuntur, mots qui ont embarrassé plusieurs commentateurs. Ils désignent ces avocats qui, suivant les expressions de Cicéron lui-même, de Orat., I, 53, ingemunt, inclamant, dolent, querentur, supplicant, pedem supplodunt, et auxquels convient l’épithète motorius, que, dans l’art dramatique, on oppose à statarius. Donat, sur le prologue des Adelphes de Térence : Duo agendi sunt principales modi, motorius et statarius, ex quibus ille tertius nascitur, qui dicitur mixtus. On distinguait aussi les comédies en motoriae, statariae, mixtae. On pourrait comparer les premières aux comédies d’intrigue ; les secondes aux comédies de caractère ; les troisièmes participent de l’un et de l’autre genre. Au reste : la qualité de statarii, que Cicéron attribue ici à Scaurus et à Rutilius, s’applique également au fond de leurs discours et à la manière dont ils les prononçaient.

XXXI. Qui quidem in triumviratu. Il y avait des triumvirs pour la fabrication des monnaies, des triumvirs pour la police des prisons, appelés triumviri capitales ; il y en eut pour les distributions de terres en exécution des lois agraires. On ne sait de quel triumvirat était Tubéron. Schutz propose in tribunatu. — Vacationem, etc. Les fonctions de juges, comme chez nous celles de jurés, étaient à la fois honorables et onéreuses ; de sorte que l’on contraignait même ceux qui cherchaient à s’en dispenser. On peut voir dans Beaufort, Rép. rom., liv. V, chap. 2, quelles étaient les dispenses légales ; il y en avait plusieurs, telles que l’âge, certaines fonctions publiques, les sacerdoces, le nombre d’enfants.

Unum excipio Catonem. Caton d’Utique, frère de Servilia, mère de Brutus. — Architecti verborum. Brutus appelle les stoïciens des architectes de paroles, et parce qu’ils admettent de nouveaux mots pour exprimer de nouvelles combinaisons d’idées, et à cause de l’art avec lequel ils bâtissent l’édifice de leurs raisonnements. Ils emploient la parole comme un architecte emploie ses matériaux. — Idque arte faciant. Ils artialisent le langage, pour me servir d’une expression de Montaigne.

Jovem aiunt philosophi, si graece loquatur, sic loqui. Cicéron revient sans cesse sur l’éloge de Platon ; il l’imite continuellement et pour les idées et pour les formes de style. Quintilien (X, 1) ne lui donne pas moins d’éloges ; il lui attribue une élocution divine et homérique (eloquendi facultate quadam divina et Homerica) ; il dit qu’il s’élève bien au-dessus du ton de la prose, et qu’il parait transporté de l’enthousiasme des oracles (ut mihi non hominis ingenio, sed quodam Delphico videatur oraculo instinctus). Enfin nous voyons ici que Démosthène faisait, des écrits de ce philosophe, sa lecture habituelle. Platon a donc eu la gloire de contribuer à former les deux plus grands orateurs de l’antiquité, et l’on peut dire que l’éloquence ne lui doit pas moins que la philosophie. Mais outre Platon, Démosthène lisait aussi Thucydide, qu’il avait, dit-on, copié sept fois de sa main ; Platon, le modèle du style développé, riche, abondant, et toujours clair et facile ; Thucydide, plein de nerf, de précision, de brièveté, mais quelquefois un peu difficile à entendre ; l’un et l’autre admirables par l’art du raisonnement et la hauteur des pensées. Démosthène a retenu les perfections communes à ses deux modèles ; il a pris un juste milieu entre