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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome III.djvu/250

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REMERCIMENT À CÉSAR POUR LE RAPPEL DE MARCELLUS.

DISCOURS QUARANTIÈME.


ARGUMENT.

Maicus Clauilius Marcclliis, un des descendants dii vaimiueur d’Aimilial, légalement distingué par sa naissana-, SCS dignités , ses talents et son courage, s’était, pendant son consulat, en702,déclaiiU’adveisaiie de César ; et nul autre dans le sénat ne s’était opposé avec i)Uis <le force à ses prétentions.

La journée de Pliarsale avant donné un maître àRonie, Marcellns s’exila volontairement à Mitylène, dans l’ile de Lesltos. Loin du tumulte des armes et de la tyrannie, il avait résolu d’y passer le reste de ses jours, et de se consoler avec les lettres et la pliilosopliie. Les instances réitérées de son frère , les lettres pressantes de Cicéron ( Ep. J’um., IV, 7 ) , ébranlèrent enliii sa constance ; il voulut liien c<uistnlir à ce qu’on fit des démarches pour obtenir son rapjiel à lîome.

Cicéron , dans une lettre h Sulpicius , proconsul en Grèce, l’an de Rome 707 (Ep.fcim., iv, 4), nous apprend lui-même de quelle manière la chose se passa. Sur quelques mots concertés, dans lesquels l’ison, beau-père de César, avait mêlé le nom de !Iarcellus, le frère de cet illustre eilé se jeta an pieds du dictateur. Tous les sénateurs se levèrent , et , joignant leurs prières aux sieinies , conjurèrent César de rendre au sénat un de ses membres les plus illustres.

Celui-ci se ])laignit d’almrd de l’humeur sombre de IMarrellus , de l’aigreur et de l’animosité qu’il avait montrées contie lui ; mais, lors(pron ne s’attendait plus qu’à un refus, il ajouta que, quelcpie sujet qu’il eilt de se plaindie personnellement de lui , il ne pouvait rien refuser à l’intercession du sénat.

Cicéron était l’ami intime de Marcelhis : il fut transporté de joie ; ce jour lui parut, conmie il le dit lui-même, le premier beau jour de la républic|ue, depuis les malheurs de la guerre civile ; et , dans l’enthousiasme de la reconnaissance, il adressa au dictateur ce Discours si justement admiré.

Le Discours pour Marcelhis fut prononcé l’an de Rome 707, sous le consulat de M. Émdius Lépidus, et le troi-

sième consulat , ou plutôt la troisième dictature de César. Cicéron avait alors soixante i-t un ans.

Marcellns s’était mis en route pour revenir h Rome , lorsqu’il fut assassiné à Athènes par un furieux nommé Magius, (pii l’avait accompagné dans .son exil. Ce Magius elait i] rilr, suivant Cicéron {£p. fid Ad., m, 10 ) de ce que Mariellus lui avait refusé de payer ses dettes ; ou, suivant Valère-Maxime, ix, 11, de ce qu’il semblait lui préférer (pielque autre ami moins fidèle. Voyez, pour les détails, une lettre de Sulpicius à Cicéron. (Lellres famil turcs, IV, 12.)


REMERCIMENT À CÉSAR POUR LE RAPPEL DE MARCELLUS.


I. Enfin, Pères Conscrits, ce jour a mis un terme au long silence que la douleur, que le sentiment des convenances, et non la crainte, m'avaient imposé pendant ces dernières années. Je vais reprendre mon ancienne habitude d'exprimer mes vœux, mes sentiments. Une bonté si rare, une clémence si extraordinaire, cette modération admirable dans un pouvoir sans bornes, en un mot, cette sagesse incroyable et presque divine, ne me permettent pas d'étouffer la voix de la reconnaissance.

Oui, Pères Conscrits, lorsque Marcellus est accordé à vos prières et aux vœux de la république, il me semble que ma voix aussi et mes conseils sont rendus et conservés pour jamais à la patrie. Je gémissais ; je voyais avec une douleur extrême quelle était la différence de nos destinées, après que nous avions l'un et l'autre suivi la même cause. Je ne pouvais me résoudre à rentrer seul dans une carrière qui nous avait été commune, et je pensais que c'eût été manquer à tous les devoirs que d'y reparaître sans un ami,