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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome III.djvu/251

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l'émule, l'imitateur, le compagnon fidèle de mes travaux et de mes études. Ainsi donc, César, vous avez à la fois rouvert pour moi cette carrière fermée depuis longtemps, et donné aux sénateurs un gage certain de la prospérité publique, et comme le signal de l'espérance.

Ce que vous avez fait pour beaucoup d'autres, et spécialement pour moi-même, ce que vous venez de faire pour tous, en accordant Marcellus au sénat et au peuple romain, surtout après avoir rappelé le sujet de vos mécontentements, est la preuve la plus évidente que le vœu de cet ordre auguste et la dignité de la république l'emportent, auprès de vous, sur vos ressentiments et vos soupçons. Le suffrage unanime du sénat en faveur de ce grand citoyen, et la justice éclatante que vous lui rendez, lui ont fait recueillir en ce jour tout le fruit de sa vie passée. Vous sentez, César, à quel point un bienfait honore celui qui donne, quand il y a tant de gloire à recevoir. Mais en même temps, combien Marcellus est heureux que cette faveur ne cause pas moins de joie à ses concitoyens qu'il n'en ressentira lui-même ! Ces hommages de l'affection publique lui sont bien dus. Quel homme, en effet, est supérieur à lui par la naissance, par la probité, le goût des arts, l'innocence des mœurs, enfin par quelque genre de mérite que ce puisse être ?

II. Toute la fécondité du plus beau génie, tous les efforts de l'éloquence et de l'histoire s'épuiseraient en vain, je ne dirai point pour orner, mais pour raconter vos actions guerrières. Nulle d'elles cependant, j'ose le dire devant vous-même, César, ne vous procura jamais une gloire plus éclatante que celle que vous venez d'acquérir aujourd'hui. Une vérité qui souvent occupe ma pensée, et que, dans les épanchements de l'amitié, je me plais à répéter chaque jour, c'est que tous les hauts faits de nos généraux, des nations étrangères, des peuples les plus puissants, des monarques les plus célèbres, ne peuvent être comparés aux vôtres, soit que l'on considère la grandeur des intérêts, le nombre des combats, la variété des pays, la célérité de l'exécution, ou la diversité des guerres ; c'est enfin que nul voyageur n'a jamais traversé avec plus de vitesse les régions séparées par les plus longs intervalles, que vous ne les avez parcourues à la tête de vos légions victorieuses.

Que de tels exploits aient le droit d'étonner l'imagination la plus hardie, la folie seule pourrait le méconnaître : toutefois il est des choses encore plus grandes. En effet, les succès militaires ont des détracteurs ; quelques hommes contestent aux généraux une portion de cette gloire : ils en font la part des soldats, afin qu'elle ne demeure pas entière aux chefs qui les commandent. Et soyons vrais, la valeur des troupes, l'avantage des positions, les secours des alliés, les flottes, les convois, contribuent beaucoup à la victoire. La fortune surtout en réclame la plus grande partie ; et il n'est presque pas de succès qu'elle ne revendique comme son ouvrage.

Mais, César, la gloire qui vous est acquise en ce jour, nul autre ne la partage avec vous. Quelque grande qu'elle soit, et elle ne peut l'être davantage, elle est à vous, oui, tout entière à vous seul. Centurion, préfet, soldat, nul n'a droit de détacher un seul laurier d'une si belle couronne. La Fortune elle-même, cette maîtresse des choses humaines, n'ose rien y prétendre ; elle vous la cède ; elle confesse qu'elle vous est propre, qu'elle n'appartient qu'à vous. Jamais, en effet,