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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome III.djvu/252

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la témérité ne s'allie avec la sagesse, et le hasard n'est pas admis aux conseils de la prudence.

III. Vous avez dompté des nations barbares, innombrables, répandues dans de vastes contrées, inépuisables en ressources ; mais enfin, ces nations que vous avez vaincues, ni la nature ni leur destinée ne les avaient faites invincibles. Il n'est point de force qui ne, puisse être ébranlée et brisée par le fer et les efforts. Mais se vaincre soi-même, réprimer sa colère, modérer la victoire, tendre une main secourable à un adversaire distingué par la noblesse, par le talent, par la vertu, le relever, le placer même dans un plus haut rang, c'est faire plus qu'un héros, c'est s'égaler à la divinité.

Sans doute, César, vos actions guerrières seront célébrées non seulement dans nos fastes, mais dans les annales de presque toutes les nations : elles deviendront l'éternel entretien des générations futures. Cependant, lorsque nous lisons le récit des batailles et des victoires, il semble que nous soyons encore troublés par le cri des soldats et par le son des trompettes. Si, au contraire, nous lisons ou si nous entendons raconter une action de clémence, de douceur, de justice, de modération, de sagesse, surtout quand elle a été faite dans la colère, toujours ennemie de la raison, ou dans la victoire, naturellement insolente et cruelle, par quelle douce impulsion nous sentons-nous portés, même dans les récits fabuleux, à chérir des personnes que nous n'avons jamais vues ! Mais vous, que nos regards contemplent, vous, dont nous voyons que les pensées et les désirs n'ont d'autre but que de conserver à la patrie ce que le malheur de la guerre ne lui a pas ravi, quelles acclamations vous prouveront notre reconnaissance ? quels seront les transports de notre zèle ? quel sera l'enthousiasme de notre amour ? Ah ! César ! il me semble que, tressaillant eux-mêmes de joie, ces murs veulent prendre la parole, et vous rendre grâces de ce que bientôt ils verront ce vertueux citoyen remonter sur ces sièges que lui-même et ses ancêtres ont si dignement occupés.

IV. Pour moi, lorsque j'ai vu couler ici les larmes de C. Marcellus, ce parfait modèle de la tendresse fraternelle, le souvenir de tous ces grands hommes a pénétré mon âme. En conservant M. Marcellus, vous leur avez rendu, même après le trépas, tout l'éclat de leur antique splendeur ; vous avez sauvé de la mort cette illustre famille, qui déjà ne vit plus que dans un petit nombre de rejetons.

C'est donc à juste titre que vous mettrez cette seule journée au-dessus de vos innombrables triomphes. Ce que vous venez de faire est l'ouvrage de vous seul. Nul doute que les victoires remportées sous vos ordres ne soient éclatantes ; mais de nombreux guerriers ont secondé votre courage. Ici vous êtes à la fois et la tête qui commande, et le bras qui exécute. La durée de vos trophées et de vos monuments ne peut être éternelle ; ouvrages des hommes, ils sont mortels comme eux ; mais cette justice et cette bonté, dont vous donnez un si rare exemple, brilleront chaque jour d'un nouvel éclat, et ce que les années feront perdre à vos monuments, elles l'ajouteront à votre gloire.

Déjà vous avez surpassé en modération et en clémence tous ceux qui furent vainqueurs dans