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CICÉRON.

nion de Pythagore et de Platon ne soit pas véritable. Quand même Platon n’en apporterait point de preuves, il m’ébranlerait par son autorité toute seule, tant Je suis prévenu en sa faveur. Mais à cette quantité de preuves qu’il entasse, on juge qu’il avait intention de convaincre ses lecteurs, et qu’il était convaincu tout le premier.

XXII. À l’égard de ces autres philosophes, qui condamnent les âmes, connue des criminelles, a perdre la vie, ils ne se fondent, au contraire, qu(î sur une seule raison. Ce qui leur rend incroyable, disent-ils, l’immortalité des âmes, c’est qu’ils ne sauraient comprendre une Ame sans corps. Mais ont-ils une idée plus claire de ce qu’est l’âme dans le corps, de sa forme, de son étendue, du lieu où elle réside ? Quand il serait possible de voir dans un homme plein de vie, toutes les parties qui le composent au dedans, y verrait-on l’âme ? À force d’être déliée, elle se dérobe aux yeux les plus perçants. C’est la réflexion que doivent faire ceux qui disent ne pouvoir comprendre une âme incorporelle. Comprennent-ils mieux une âme unie au corps ? Pour moi, quand j’examine ce que c’est que l’àme, je trouve infiniment plus de peine à me la figurer dans un corps, où elle est comme dans une maison étrangère, qu’à me la figurer dans le ciel, qui est son véritable séjour. Si l’on ne peut comprendre que ce qui tombe sous les sens, on ne se formera donc nulle idée, ni de Dieu lui-même, ni de l’àme délivrée du corps, et dès là divine. La difficulté de concevoir ce qu’elle est, lors même qu’elle est unie au corps, fit que Dicéarque et Aristoxène prirent le parti de nier que ce fût quelque chose de réel. Et véritablement il n’y a rien de si grand, que de voir avec les yeux de l’âme, l’âme elle-même. Aussi est-ce là le sens de l’oracle, qui veut que chacun sa connaisse. Sans doute qu’Apollon n’a point prétendu par là nous dire de connaître notre corps, notre taille, notre figure. Car qui dit nous, ne dit pas notre corps ; et quand je parle à vous, ce n’est pas à votre corps que je parle. Quand donc l’oracle nous dit : Connais-toi, il entend, Connais ton âme. Votre corps n’est, pour ainsi dire, que le vaisseau, que le domicile de votre àrae.’l'ont ce que vous faites, c’est votre âme qui le fait. Admirable précepte, que celui de connaître son âme ! On a bien jugé qu’il n’y avait qu’un homme d’un esprit supérieur, qui pût en avoir conçu l’idée : et c’est ce qui fait qu’on l’a attribué à un Dieu. Mais l’âme elle-même ne connut-elle point sa nature ; dites-moi, ne sait-elle pas du moins qu’elle existe, et qu’elle se meut ? Or, son mouvement, selon Platon, démontre son immortalité. En voici la preuve, telle que Socrate l’expose dans le Phèdre de Platon, et que moi je l’ai rapportée dans mon sixième livre de la Republique.

XXIII. « Un être qui se meut toujours, existera toujours. Mais celui qui donne le mouvement à un autre, et qui le reçoit lui-même d’un autre, cesse nécessairement d’exister, lorsqu’il perd son mouvement. Il n’y a donc que l’être mû par sa propre vertu, qui ne perde jamais son mouvement, parce qu’il ne se manque jamais a lui-même. Et de plus il est pour toutes les autres choses qui ont du mouvement, la source et le principe du mouvement qu’elles ont. Or, qui dit principe, dit ee qui n’a point d’origine. Car c’est du principe que tout vient, et le principe ne saurait venir de nulle autre chose. Il ne serait pas principe, s’il les veux de l’âme, l’àme elle-même. Aussi est-ce’venait d’ailleurs. Et n’ayant point d’origine, il