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TUSCULANES, LIV. I.

n’aura par conséquent point de fin. Car il ne pourrait, étant détruit, ni être lui-même reproduit par un autre principe, ni en produire un autre, puisqu’un principe ne suppose rien d’antérieur. Ainsi le principe du mouvement est dans l’être mû par sa propre vertu. Principe qui ne saurait être ni produit ni détruit. Autrement il faut que le ciel et la terre soient bouleversés, et qu’ils tombent dans un éternel repos, sans pouvoir jamais recouvrer une force, qui, comme auparavant, les fasse mouvoir. Il est donc évident, que ce qui se meut par sa prcipre vertu, existera toujours. Et peut-on nier que la faculté de se mouvoir ainsi ne soit un attribut de l’àme ? Car tout ce qui n’est mû que par une cause étrangère, est inanimé. Mais ce qui est animé, est niù par sa propre vertu, par son action intérieure. Telle est la nature de l’âme, telle est sa propriété. Donc l’âme étant, de tout ce qui existe, la seule chose qui se meuve toujours elle-même, concluons de là qu’elle n’est point née, et qu’elle ne mourra jamais. » Que tout ce bas peuple de philosophes (c’est ainsi que je traite quiconque est contraire à Platon, à Socrate, et à leur école) que tous ces autres philosophes, dis-je, se réunissent : et non-seulement ils ne développeront jamais un raisonnement avec tant d’art, mais ils ne viendront pas même à bout de bien prendre le m de celui-ci. L’âme sent qu’elle se meut : elle sent que ce n’est pas dépendamment d’une cause étrangère, mais que c’est par elle-même, et par sa propre vertu ; il ne peut jamais arriver qu’elle se manque à elle-même, la voilà donc immortelle. Auriez-vous quelque objection à me faire la-contre ? L’a. J’ai été très-aise qu’il ne s’en soit présenté aucune à mon esprit, tant j’ai de goût pour cette opinion.

XXIV. C. Trouverez-vous moins de force dans les preuves suivantes ? Je les tire des propriétés divines, dont l’àme est revêtue ; propriétés qui me paraissent n’avoir pu être produites, ni par conséquent pouvoir finir. Car je comprends bien, par exemple, de quoi et comment ont ete produits le sang, la bile, la pituite, les os, les nerfs, les veines, et généralement tout notre corps, tel qu’il est. L’âme elle-même, si ce n’était autre chose dans nous que le principe de la vie, me paraîtrait un effet purement naturel, comme ce qui fait vivre à leur manière la vigne et l’arbre. Et si l’âme humaine n’avait en partage que l’instinct de se porter à ce qui lui convient, et de fuir ce qui ne lui convient pas, elle n’aurait rien de plus que les bêtes. Mais ses propriétés sont, premièrement, une mémoire capable de renfermer en elle-même une infinité de choses. Et cette mémoire, Platon veut que ce soit la réminiscence de ce qu’on a su dans une autre vie. Il fait parler dans le Menon un jeune enfant que Socrate interroge sur les dimensions du quarré : l’enfant répond comme son âge le permet : et les questions étant toujours a sa portée, il va de réponse en réponse si avant, qu’entin il semble avoir étudié la géométrie. De là Socrate conclut qu’apprendre, c’est seulement se ressouvenu’. Il s’en explique encore plus expressément dans le discours qu’il fit le jour même de sa mort. Un homme, dit-il, qui paraît n’avoir jamais acquis de lumières sur rien, et qui cependant répond juste à une question, fait bien voir que la matière sur laquelle ou l’interroge, ne lui