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CICÉRON.

XXVII. C’est ce dernier sentiment que j’ai suivi dans ma Consolation, ou je m’explique en ces termes : « On ne peut absolument trouver sur la terre l’origine des âmes. Car il n’y a rien dans les âmes, qui soit mixte et composé ; rien qui paraisse venir de la terre, de l’eau, de l’air, ou du feu. Tous ces éléments n’ont rien qui fasse la mémoire, l’intelligence, la réflexion ; qui puisse rappeler le passé, prévoir l’avenir, embrasser le présent. Jamais on ne trouvera d’où l’homme reçoit ces divines qualités, à moins que de remonter à un Dieu. Et par conséquent l’âme est d’une nature singulière, qui n’a rien de commun avec les éléments que nous connaissons. Quelle que soit donc la nature d’un être, qui a sentiment, intelligence, volonté, principe de vie, cet être-là est céleste, il est divin, et dès-là immortel. Dieu lui-même ne se présente à nous que sous cette idée d’un esprit pur, sans mélange, dégagé de toute matière corruptible, qui connaît tout, qui meut tout, et qui a de lui-même un mouvement éternel.

XXVIII. Tel, et de ce même genre, est l’esprit humain. Mais enfin, où est-il, me direz-vous, et quelle forme a-t-il ? Pourriez-vous bien, vous répondrai-je, m’apprendre où est le vôtre, et quelle est sa forme ? Quoi ! parce que mon intelligence ne s’étend pas jusqu’où je souhaiterais, vous ne voudrez pas que du moins elle s’étende jusqu’où elle peut ? Si notre âme ne se voit pas, elle a cela de commun avec l’œil, qui sans se voir lui-même, voit les autres objets. Elle ne voit pas comment elle est faite : aussi lui importe-t-il peu de le voir : et d’ailleurs, peut-être le voit-elle. Quoi qu’il en soit, elle voit au moins de quoi elle est capable ; elle connaît qu’elle a de l’intelligence et de la mémoire ; elle sent qu’elle se meut avec rapidité, par sa propre vertu. Or, c’est la ce qu’il y a dans l’âme de grand, de divin, d’éternel. Mais à l’égard de sa figure et de sa demeure, ce sont choses qui ne méritent seulement pas d’être mises en question. Quand, par exemple, nous regardons la beauté et la splendeur du ciel ; la célérité avec laquelle il roule, qui est si grande qu’on ne saurait la concevoir ; la vicissitude des jours et des nuits ; le changement des quatre saisons, qui servent à mûrir les fruits, et a rendre les corps plus sains ; le soleil qui est le modérateur et le chef de tous les mouvements célestes ; la lune, dont le croissant et le décours semblent faits pour nous marquer les Fastes ; les planètes, qui, avec des mouvements inégaux, fournissent également la même carrière, sur un même cercle divisé en douze parties ; cette prodigieuse quantité d’étoiles, qui durant la nuit décorent le ciel de toutes parts ; quand nous jetons ensuite les yeux sur le globe de la terre, élevé au-dessus de la mer, placé dans le centre du monde et divisé en cinq parties, deux desquelles sont cultivées, la septentrionale que nous habitons ; l’australe où sont nos antipodes, qui nous est inconnue ; et les trois autres parties incultes, parce que le froid ou le chaud y domine avec excès ; quand nous observons que dans la partie où nous sommes, on voit toujours au temps marqué,

Une clarté plus pure
Embellir la nature ;
Les arbres reverdir ;