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CICÉRON.

de ses ennemis lui dit : « Est-ce que tu méprises les lois de Lycurgue ? « À quoi il répond : « J'ai au contraire bien des grâces à lui rendre de ce qu'il m'a condamné à une amende, que je puis payer sans emprunt. «Vrai Lacédémonien, et qui fait honneur à sa patrie ! .l'ai peine à croire qu'avec cette IVrmeté d'esprit, il put n'être pas innocent. Rome a fourni une infinité de grands courages : mais u'aurais-je pas tort de vanter ici nos généraux, et ceux qui ont eu les premiers emplois dans nos armées, puisque Caton écrit que souvent des légions entières sont allées avec joie dans des lieux d'où elles croyaient ne devoir pas revenir ? Telle fut l'intrépidité de ces Lacédémonicns, qui périrent aux Thermopyles, et que Simonide fait ainsi parler dans leur épitaplie : « Passant, qui nous vois ici, va dire a Sparte que nous y sommes morts en obéissant aux lois saintes de Iq, patrie. « Quel di.scours leur tient I.éonidas, leur cbef ? " Laeédémoniens, marchons bardiment, ce soir peut-être nous souperons chez les morts. » Un deux ayant entendu qu'un Perse disait par bravade," INous darderons tant de flèches qu'ils ne verront pas le soleil : » — « Hé bien, reprit-il, nous nous battrons à l'ombre. Je ne parle là que des hommes : et quelle fermeté dans cette Laeédémonienne, qui, apprenant que son fds avait été tué dans un combat, >< Voilà, dit-elle, pourquoi je l'avais mis au monde ; c'était pour défendre sa («trie au prix de son sang. >•

XLIII. Tant que les lois de Lycurgue furent en vigueur à Sparte, il y eut de la valeur. L'éducation, il faut l'avouer, servait fort à en faire des hommes courageux, et durs à eux-mêmes. Mais n'admirons-nous pas Théodore de Cyrène, célèbre philosophe, qui, menacé par le roi Lysimaque d'être pendu a une croix : « Intimidez, lui dit-il, vos courtisans avec de telles menaces ; pour Théodore, il lui est indifférent qu'il pourrisse, ou dans la terre, ou dans l'air. Réponse qui me fait songer qu'il est à propos de parler ici de la sépulture et des funérailles. Il n'y a qu'un mot à en dire, surtout après ce que nous venons de voir, que les morts ne sentent rien. On voit dans le Phédon, que j'ai déjà tant cité, de quelle manière Socrate pensait sur ce sujet. Quand il eut bien raisonné sur l'immortalité de l'âme, et que déjà son dernier moment approchait, Criton lui demanda comment il souhaitait d'être enterré. « Mes amis, reprit Socrate, je me suis donne une peine bien inutile, puisque je n'ai pas persuadé à notre cher Criton que je m'envolerai d'ici, et que je n'y laisserai rien de moi. Cependant, Criton, si vous pouvez me rejoindre, ou si vous me trouvez quelque part,. ordonnez, comme il vous plaira, de ma sépulture. Mais, croyez-moi, aucun de vous ne m'atteindra, quand je serai parti d'ici. Une parfaite indifférence de sa part, une entière liberté à son ami, rien de mieux. Diogène pensait de même, mais en qualité de Cynique, il s'est plus durement expliqué : « Qu'on me jette, dit-il, au milieu des champs. — Pour être dévoré par les vautours ? repartent ses amis. — Point du tout, mettez auprès de moi un bâton pour les chasser. — Hé ! comment les chasser, ajoutèrent-ils, puisque vous ne les sentirez pas ? — Si je ne les sens pas, reprit Diogène, quel mal donc me feront-ils en me dévorant ? » Anaxagore étant dangereusement malade à Lampsaque, ses amis lui demandèrent s'il voulait être reporté à Clazomène sa patrie, il leur répondit très-bien : « Cela n'est pas nécessaire, car de quelque endroit que