dehors le monde entier. Opinions, en vérité, plus dignes du pays de Démocrite, que de Démocrite lui-même. Car enfin, quelle idée peut-on se former de ces images ? Comment seraient-elles pour nous un objet d’admiration ? Et par quel endroit nous paraîtraient-elles mériter des hommages et des prières ? Quant à Épicure, il extirpe toute religion, du moment qu’il ôte aux Dieux la volonté de faire du bien. Il a beau dire qu’ils ont toutes les perfections. En ne leur accordant pas la bonté, il leur retranche ce qui convient le plus essentiellement à des êtres parfaits. Car y a-t-il rien de meilleur, rien de plus grand, que d’être bon et de faire du bien ? Refuser à vos Dieux cette qualité, c’est dire qu’ils n’aiment ni Dieux, ni hommes ; que personne ne leur est cher ; que personne ne doit espérer d’eux la plus légère attention ; et qu’en un mot, non seulement ils ne se mettent point en peine de j nous, mais ils se regardent les uns les autres d’un œil indifférent.
XLIV. Que les Stoïciens, dont vous blâmez la doctrine, sont bien plus raisonnables que vous ! C’est une de leurs maximes, qu’un sage est ami d’un autre sage, même sans le connaître. Aussi la vertu est ce qu’il y a de plus aimable. Dans quelque endroit du monde qu’elle paraisse, elle s’attirera notre amour. Mais vous, quel tortue pertes-vous pas aux hommes, en leur voulant faisuader qu’il n’y a que la faiblesse qui fasse naître de l’attachement et du zèle pour autrui ? Que par cette raison les Dieux n’en sont point capables : et que les hommes eux-mêmes, s’ils ne sentaient pas le besoin de s’aider mutuellement, ne connaîtraient ni générosité, ni penchant à se faire plaisir ? Quoi ! n’est-ce pas un sentiment naturel aux honnêtes gens, de se chérir les uns les autres ? Jusque-là qu’on chérit ce mot d’amour, d’où l’amitié tire son nom. Qui ne chercherait dans l’amitié que ses avantages personnels, et non ceux de son ami ; ce ne serait pas amitié, ce serait une sorte de trafic. On aime des prés, des champs, des troupeaux, à cause du profit qui en revient : mais les personnes qu’on aime, on les aime sans intérêt. À combien plus forte raison les Dieux, qui n’ont besoin de rien, doivent-ils s’aimer gratuitement les uns les autres, et s’employer pour nous ? Sans cela, pourquoi les honorer ? pourquoi les prier ? Faut-il des sacrifices et des pontifes, faut-il des augures et des auspices ? Mais, encore une fois, n’a-t-on pas un livre d’Épicure sur la sainteté ? C’est un homme qui se joue de nous, et qui a moins de grâce à plaisanter, que de hardiesse à écrire tout ce qu’il lui plaît. De quelle sainteté est-il question, si les Dieux ne songent point à ce qui regarde les hommes ? Et se peut-il faire qu’il y ait une espèce d’êtres animés, qui ne songent à rien du tout ? Posidonius, notre ami commun, a bien découvert le but de ce système, lorsqu’il a montré, dans son cinquième livre De la nature des Dieux, qu’Épicure ne croyait point de Dieux ; et que tout ce qu’il en disait n’était que pour se dérober à l’indignation du public. Épicure, après tout, n’eût pas été assez sot pour s’imaginer de bonne foi qu’un Dieu a tout l’extérieur d’un simple mortel ; qu’il a un corps, à la solidité près, tout semblable au nôtre, mais sans en faire le moindre usage ; qu’il est grêle, transparent ; qu’il ne donne rien, n’est bon à rien, ne prend soin de rien, ne