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CICÉRON

autels. Car quelle raison, après tout, nous obligerait de soutier aux Dieux, puisqu’ils ne songent point à nous, ne prennent soin vie rien, ne font absolument rien ? Mais ils sont d’une nature si excellente, si relevée, qu’elle doit pur elle-même obliger le sage à lui rendre un culte. Et que peuvent-ils avoir d’excellent, eux qui, tout occupés de leurs plaisirs, ne feront jamais rien, ne font rien, et n’ont jamais rien fait ? Pour être tenu à leur marquer de la piété, ne faudrait-il pas en avoir reçu îles grâces ? Car de quoi est-on redevable à qui n’a rien donné ? La piété est une justice qui acquitte les hommes envers les Dieux : or vos Dieux n’ayant point de relation avec nous, qu’auraient-ils a exiger de nous ? La sainteté est la science de rendre aux Dieux le culte qu’on leur doit : or quel culte devons-nous aux vôtres, dont nous n’avons reçu ni n’attendons nulle laveur ? Un culte fondé sur l’excellence de leur nature, tandis que nous ne leur voyons rien de bon ?

XLII. Vous tirez vanité d’avoir foulé aux pieds la superstition : mais rien de si facile à qui voudra, comme vous, anéantir la divinité. Car vous figurez-vous que les athées Diagore et Théodore aient pu être superstitieux ? Je n’en soupçonne pas même Protagore, qui ne faisait que douter s’il y avait des Dieux, ou non. Ces philosophes étouffaient, non-seulement la superstition, qui inspire une crainte des Dieux vaine et ridicule ; mais encore la religion, qui a pour fin les honorer pieusement. Et ceux qui ont dit invention des politiques, dont la vue était de gouverner par la religion les esprits que la raison toute seule ne gouverne pas ? Et Prodicus de Céa, qui soutient (pie ce qui a été mis au nombre des Dieux, ce sont les choses dont les hommes retirent de l’utilité ? Et ceux qui prétendent que tous ces Dieux, aujourd’hui l’objet de notre culte et de nos prières, ne sont que des hommes courageux, illustres et puissants, qu’on a déifiés après leur mort ? Évhémère, que notre Ennius a copié, met dans son jour cette dernière opinion, en racontant où les Dieux sont morts, et où sont leurs sépultures. Croyez-vous, dis-je, que ceux qui ont avancé de tels sentiments n’aient pas rejeté toute espèce de religion ? Parlerai-je de cette, sainte et auguste Eleusine, aux mystères de laquelle les nations les plus éloignées se font initier ? Rapporterai-je. ceux de Samothrace, et ceux qui se célèbrent à Lemnos, dans l’épaisseur d’une foret ténébreuse ? Qu’on les développe ces mystères, qu’on les réduise à ce que la raison y découvre, on verra qu’ils vont plutôt à expliquer des choses naturelles, qu’à établir la connaissance des Dieux.

XLIII. Démocrite lui-même, ce grand homme, qui est la source où Épicure a puisé, s’il faut ainsi dire, pour arroser ses petits jardins ; Démocrite, dis-je, paraît n’avoir eu rien de fixe sur ce qui concerne la divinité. Tantôt il l’attribue à des images, dont il croit que l’univers est rempli : tantôt a des images animées, qui nous font ordinairement du bien ou du mal : tantôt à de que tout ce qui se croit des Dieux n’est qu’une certaines grandes images, qui embrassent par