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DE LA NATURE DES DIEUX, LIV. II.

nique à toutes ses parties, et qui les unisse toutes ? Quand on développe ces principes, ainsi que j’ai dessein de le faire, les Académiciens ont moins de facilité à nous entamer. Si l’on se borne, comme c’était la coutume de Zénon, à un raisonnement court et sec, on leur prête le flanc. Car l’eau qui coule dans une rivière ne risque guère de se gâter : mais renfermée, elle se gâtera. De même les objections ne tiennent point contre un torrent de paroles : au lieu qu’un discours trop concis donne plus de prise aux contradicteurs. Voici comme Zénon présentait miment les preuves que je mets dans un pins grand jour.

VIII. « Ce qui raisonne est meilleur que ce qui ne raisonne pas : or le monde est ce qu’il y a de meilleur : donc le monde raisonne. » On fera voir pareillement qu’il est sage, heureux, éternel. Car toutes ces qualités sont préférables à leurs contraires. Donc le monde les possède, étant ce qu’il y a de meilleur : donc le monde est Dieu. Zénon dit encore. « D’un tout qui n’a point de sentiment, aucune partie n’en peut avoir : or quelques parties du monde ont du sentiment : donc le monde a du sentiment. » Il ajoute, toujours d’une manière aussi serrée : « Rien d’inanimé et d’irraisonnable ne saurait produire un être animé et raisonnable : or le monde produit des êtres animés et raisonnables : donc le monde n’est pas inanimé et irraisonnable. » Après quoi il conclut à son ordinaire par une comparaison. « S’il croissait sur un olivier des flûtes qui rendissent un son mélodieux, douteriez-vous que cet olivier ne sût jouer de la flûte ? Vous jugeriez de même que les platanes savent la musique, s’ils portaient de petites cordes qui résonnassent harmonieusement. Pourquoi donc ne pas croire que le monde a une âme, et qu’il est sage, puisqu’il produit des animaux et des sages ? »

IX. J’avais dit d’abord que l’existence des Dieux étant d’une évidence généralement reconnue, elle n’avait pas besoin de preuve : mais insensiblement m’étant mis à la démontrer, je continue, et voici des raisons physiques. Tous les êtres qui prennent nourriture, et qui croissent, ont une chaleur intérieure, sans laquelle ils ne pourraient ni croître, ni prendre nourriture. Car ils ont besoin pour cela d’un certain mouvement, qui est régulier et uniforme. Or ce mouvement, c’est au feu, c’est à la chaleur de le donner ; et pendant qu’il se conserve en nous, le sentiment et la vie s’y conservent aussi : mais du moment que le feu s’y éteint, nous nous éteignons nous-mêmes, et nous mourons. Cléanthe, pour faire voir quelle est l’activité de la chaleur dans tous les corps, observe qu’il n’y a point de nourriture si pesante dont la coction ne se fasse dans un jour et une nuit, et que même il reste encore de la chaleur dans les excréments. D’ailleurs, le battement continuel des veines et des artères imite l’agitation du feu ; et quand le cœur d’un animal vient d’être arraché, on le voit encore palpiter, et s’élancer comme la flamme. Tout ce qui est donc vivant, soit plantes, soit animaux, ne vit que par le moyen de la chaleur qu’il renferme. Le principe vital qui agit dans tout l’univers, c’est donc la chaleur. Vous le verrez encore mieux par le