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Page:Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/16

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CICÉRON.

pour la quatrième, de calmer et de régler les mouvements de la cupidité, et de garder en tout une constante égalité, qui s’oppose à tout désir injuste. L’honnête homme donc, on, si Ton veut, l’homme tempérant et modéré, doit être constant. Qui dit constant, dit tranquille. Qui dit tranquille, dit libre de toutes passions, et par conséquent de chagrin. Or le sage possède toutes ces qualités. Il est donc exempt de chagrin.

IX. Ainsi la réflexion de Dcnys d’Héraclée sur ces vers qu’Homère met dans la bouche d’Achille :

Mon cœur, gonflé de rage, est d’ennuis dévoré,
Quand je songe à l’ingrat qui m’a déshonoré ;

cette réflexion, dis-je, est fort judicieuse. Dit-on qu’une main enflée soit en bon état ? Le dirat-on de tout autre membre affligé par quelque tumeur ? La disposition d’un cœur gonflé de quelque passion n’est donc pas moins vicieuse. Or l’âme du sage est toujours bien disposée. Son cœur ne s’enfle jamais. Jamais il ne sort de son assiette, comme fait l’homme transporté de courroux. Le sage ne saurait donc se mettre en colère. Car s’y mettre, suppose un ardent désir de tirer la vengeance la plus éclatante de celui dont on se croit offensé. Or ce désir entraîne aussi une excessive joie, au cas qu’on ait réussi. Mais il ne tombe point en l’âme du sage, de se réjouir du mal d’autrui. Ainsi la colère n’y saurait tomber. Cependant, s’il était susceptible de chagrin, il le serait pareillement de colère. Puis donc qu’il est exempt de l’un, il l’est aussi de l’autre. Par la même raison, si le chagrin pouvait attaquer le sage, il en serait de même, et de la pitié, et de cette sorte d’envie qui fait qu’on voit d’un œil jaloux et malin le bonheur d’autrui, comme l’a dit Ménalippe dans Accius :

Quel mortel envieux, quel regard enchanteur
De mes jeunes enfants a l’ait périr la fleur ?

X. Une preuve qu’en effet l’homme susceptible de pitié, l’est pareillement d’envie, c’est que celui qui est touché du malheur de quelqu’un, s’afflige ordinairement du bonheur de quelque autre. Théophraste, par exemple, déplorant la mort de son ami Callisthène, s’afflige de la prospérité d’Alexandre, et plaint son ami d’avoir vécu sous un prince, qui, avec une puissance suprême, et un suprême bonheur, savait si mal user de sa fortune. Or, comme la pitié est un chagrin causé par le sort malheureux de l’un, l’envie est un chagrin causé par le sort heureux de l’autre ; quiconque par conséquent est susceptible de pitié, l’est aussi d’envie. Mais le sage est inaccessible à l’envie : il l’est donc aussi à la pitié ; ce qui ne serait pas, s’il pouvait s’affliger de quelque chose : et par conséquent le sage est sans chagrin. Tels sont les raisonnements des Stoïciens, dont la tournure est trop sèche, trop serrée. Aussi je prétends bien les développer dans

nem, justitiam, prudentiam, frugalitas est complexa : etsi hoc quidem commune est virtutum : omnesenim inter se nexa ?, et conjngat.e sunt. Reliqua igitur, et quarta virtus nt sit ipsa frugalitas, necesse est. Kjus enim videtur proprium, moins animi appetentis regere et sedare ; semperque adversantem libidini, moderatam in omni re servarc constantiam. Cui Contrarium vilium nequitia dicitur. Frugalitas, ut opinor, a (rage : qua nihil melius e terra. Nequitia ab eo etsi lioc erit fortasse durius : sed tentemus, et lnsisse putemur, si nil ait) ab eo, quod ne quidquam esl in tah homme : ex quo idem,nihili dicitur. Qui sit frugi igilur, Tel, si inavis, moderatus et temperans, eum e constantem : qui antem constans, quietum : qui quietus, perturbatione omni vacuum : ergo etiam aegritndme. Et sunt ilia sapientis : aberit igitur a sapiente aegritndo.

IX. Itaque non inscite Heracleotes Dionysius ad ea disputât, qnae apud Ilomerum Achilles queritur, hoc, ut opinor, modo :

Corque meum penitus turgescit tristibus iris,
Cum decore, atque ornni me orbatum laude recordor.

Num manus affecta recte est, cum in tumore est ? aut num atiad quodpiam membrum tumidum ac tiirgidum non vitiose se babet ? Sic igilur inllatus, et tamens animas in ‘ vitio est. Sapientis autem animus semper racal itio, nunqiiam turgescit, nunquam tumet. Al iratus animus fju>modi est : nunquam igitur sapiens iraseitur : nam si ; i=wilur, etiam coneupisrit. Proprium est enim irali, capere, a quo lassos videatur, ei quam maximum dolorem tuurere. Qui autem id concupierit, eum necesse esl, si id consecutus sit, magnopere Irelari. Ex quo fit, ut alieno rualo gaudeat. Quod quoniam non cadit in sapientem, ne ut irascatur quidem cadit. Si autem caderet in sapientem aegritudo, caderet etiam iracundia. Qua quoniam vacat, aegi itudine etiam vacabit. Etenim si sapiens in aegritudinein incidere posset, posset etiam in misericordiam, posset in invidentiam : non dixi in invidiam, qua3 lu m est, cum invidetur : ab invidendo autem invidentia recte dici potest, ut effugiamus ambiguum nomen invidif* : quo verbuin ductum estanimis intuendo fortunam alterius, ut est in Menalippo,

Quisnam florem liberùm invidit meùm ?

Maie latine videtur ; sed prœclare Accius : ul enim videre, sic invidere florem rectius, quam flori dicitur. Nos consuetudine prohibemur : poeta jus suum lenuit, et dixit audacius.

X. Cadit igitur in eumdem, etmisereri, et invidere. Nam quidolet rébus aUcu jus ad versis, idem alicujus etiam secundis dolet : ut Theopbrastus interitum deplorans Cal-Hstbenis SOdalis sui, reluis Alexandri proviens angitur : itaqnc dicit Callisthenem incidisse in hominem sumnia potenlia, sumniaque Cortuna,sed ignarum quemamodurn rébus secundis uli conveniret. Atqni quemadmodum mïsericordia aegritudo est ex alterius rébus ad versis ; sic invidentia aegritndo est ex alterius rebns secundis : in quem igitur cadit misereri, in eumdem etiam invidere. Non cadit antem invidere in sapientem : ergo ne misereri quidem. Quod si hoc régie ferre sapiens soleret, misereri etiam ret : abest ergo a sapîente aegritndo. Hæc sic dicuntur a Stoicis, concludunturque contortius. Sed latius aliquanto