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Page:Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/291

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vie de l’homme plus de sécurité et en accroître les ressources ; puisque la nature elle-même nous donne un si généreux élan, poursuivons cette carrière, où nous voyons devant nous tout ce que le monde a compté d’hommes excellents, et n’écoutons point ces efféminés qui sonnent la retraite, et voudraient rappeler ceux que leur ardeur a déjà emportés.

III. A ces raisons si certaines et si évidentes, qu’opposent les philosophes que je combats ? D’abord les rudes travaux sans lesquels on ne peut servir son pays ; obstacle bien peu fait pour arrêter un homme vigilant et actif, obstacle méprisable non seulement au prix de tels intérêts, mais même dans la poursuite des biens de l’esprit les moins relevés, dans l’accomplissement des devoirs les moins importants, dans les affaires les plus simples. Ils parlent ensuite des périls que l’on court sans cesse, et cherchent à inspirer aux hommes de cœur cette terreur de la mort qui retient les lâches, oubliant que les hommes de cette trempe regardent comme un plus grand malheur d’être lentement consumés et de s’éteindre de vieillesse, que de faire à la patrie, dans une belle occasion, le sacrifice de cette vie, que tôt ou tard il eût fallu rendre à la nature. Mais où croient triompher ces philosophes paresseux ? c’est quand ils rassemblent toutes les infortunes des grands hommes, et les traitements indignes que leur a fait souffrir l’ingratitude de leurs concitoyens. La Grèce leur fournit plus d’un douloureux exemple : Miltiade, victorieux des Perses anéantis par ses armes, la poitrine encore saignante des blessures qu’il a reçues au milieu de son éclatante victoire, trouve dans les prisons d’Athènes la mort qui l’avait épargné sur le champ de bataille ; Thémistocle, proscrit par le peuple qu’il a sauvé, craignant pour ses jours, vient chercher un asile non dans les ports de la Grèce dont il est le libérateur, mais sur les rivages des Barbares que ses armes ont moissonnés. Les exemples de l’inconstance des Athéniens et de leur cruauté envers leurs plus grands hommes sont innombrables ; l’ingratitude a pris en quelque façon naissance chez eux, et partout nous en voyons les marques ; mais dans Rome même, dans l’histoire de cette grave cité, ne les retrouvons-nous pas à chaque pas ? On cite alors l’exil de Camille, la haine qui poursuivait Ahala, l’impopularité de Nasica, la proscription de Lénas, la condamnation d’Opimius, la fuite de Métellus, Marius et son affreux destin, les chefs de l’État immolés, et les maux terribles qui bientôt après désolèrent notre patrie. Il n’y a pas jusqu’à mon nom qui ne soit invoqué : et parce que ces amis de la paix croient sans doute qu’au prix de mes veilles et de mes périls j’ai protégé leur vie et garanti leur repos, ils me plaignent avec plus d’effusion et de sympathie que pas un autre. Mais moi, je ne puis comprendre comment des hommes qui, pour s’instruire et voir le monde, traversent les mers… (LACUNE)

IV. Lorsqu’au sortir de mon consulat, je pus déclarer avec serment, devant Rome assemblée, que j’avais sauvé la république, alors que le peuple entier répéta mon serment, j’éprouvai assez de bonheur pour être dédommagé à la fois de toutes les injustices et de toutes les infortunes. Cependant j’ai trouvé dans mes malheurs mêmes plus d’honneur que de peine, moins d’amertume que de gloire ; et les regrets des gens de bien ont plus réjoui mon cœur que la joie des méchants ne l’avait attristé. Mais, je le répète, si ma dis-