Page:Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/358

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de sentir, de se souvenir, de prévoir, de gouverner, de régir et de mouvoir le corps qui nous est attaché, comme le Dieu suprême gouverne le monde. Semblable à ce Dieu éternel qui meut le monde, en partie corruptible, l’âme immortelle meut le corps périssable.

XX. Ce qui se meut toujours est éternel ; ce qui ne communique le mouvement qu’après l’avoir reçu, dès qu’il cesse de se mouvoir, doit infailliblement cesser de vivre. L’être qui se meut lui-même est donc le seul qui ne cesse jamais de se mouvoir, puisqu’il ne s’abandonne jamais lui-même. De plus, il est pour les autres êtres la source et le principe du mouvement. Or, un principe n’a pas d’origine : car c’est du principe que tout vient, et lui-même ne peut venir de rien autre ; car s’il était produit, il ne serait pas principe ; s’il n’a point d’origine, il ne doit pas avoir de fin ; car un principe détruit ne pourrait être reproduit par un autre, ni faire sortir de lui-même un autre principe ; car il faut que le principe préexiste à tout ce qui est produit. Ainsi le principe du mouvement est dans l’être qui se meut lui-même ; or, un tel être ne peut avoir d’origine, ni de fin ; car s’il périssait jamais, le ciel s’écroulerait, la nature entière s’arrêterait, sans pouvoir retrouver une force qui lui rendît sa première impulsion.

XXI. Il est donc évident que l’être qui se meut lui-même est éternel ; et maintenant comment pourrait-on nier que cette faculté de se mouvoir soi-même ne soit un attribut de l’âme ? L’être qui reçoit l’impulsion du dehors est inanimé ; mais l’être animé se meut par sa vertu propre, et par un principe intérieur qui appartient essentiellement à l’âme. Si donc, parmi tous les êtres, l’âme seule porte en elle le principe de son mouvement, il est certain qu’elle n’a point eu d’origine, et qu’elle est éternelle.

Exerce-la cette âme, aux fonctions les plus excellentes. Il n’en est pas de plus élevées que de veiller au salut de la patrie. L’âme accoutumée à ce noble exercice s’envole plus facilement vers sa demeure céleste ; elle y est portée d’autant plus rapidement qu’elle se sera habituée, dans la prison du corps, à prendre son élan, à contempler les objets sublimes, à s’affranchir de ses liens terrestres. Mais lorsque la mort vient à frapper ces hommes vendus aux plaisirs, qui se sont faits les esclaves infâmes de leurs passions, et, poussés aveuglément par elles, ont violé toutes les lois divines et humaines, leurs âmes, dégagées du corps, errent misérablement autour de la terre, et ne reviennent dans ce séjour qu’après une expiation de plusieurs siècles.

À ces mots il disparut, et je m’éveillai.


FRAGMENTS
DONT LA PLACE EST INCERTAINE DANS L’OUVRAGE.

I. Quoique l’état le plus désirable soit de conserver perpétuellement la fortune la plus florissante, cependant un bonheur uniforme ne se fait pas aussi bien sentir que le retour à un état prospère après de dures infortunes et les angoisses du désespoir. Ammien Marcellin, xv, 5.