Page:Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/547

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poules, du lait, du fromage, du miel. Le jardin est pour les habitants de la campagne un second office, comme ilsle nomment eux-mêmes ; et, dans les moments de loisir, la chasse vient ap— j porter les dernières pièces à ce service digne des rois. Que dire de la verdure des prairies, des longues allées d’arbres, de la beauté des vignes et des oliviers ? En deux mots, il n’y a rien de plus riche et de plus magnifique au monde ; qu’une campagne bien cultivée ; et, loin que la vieillesse nous empêche d’en jouir, elle nous appelle aux champs et nous en montre tout l’attrait. N’est-ce pas là que les vieillards peuvent le mieux se réchauffer aux rayons du soleil, à la flamme du foyer, ou se rafraîchir à l’ombre des grands arbres et sur le bord des eaux ? Que la jeunesse garde pour elle les armes, les chevaux, les javelots, le bâton et la paume, la nage et la course ; qu’elle nous laisse de tant de jeux différents les osselets et les dés ; et encore qu’elle ne se contraigne pas, cor la vieillesse peut s’en passer et être heureuse.

XVII. Les livres de Xénophon sont pleins d’enseignements utiles ; vous les connaissez déjà, relisez-les sans cesse, et méditez-les. Avez-vous vu quel grand éloge il fait de l’agriculture dans son livre sur le gouvernement des maisons, intitulé l’Économique ? Pour bien nous faire entendre que rien ne lui paraît aussi royal que la culture des champs, Xénophon met dans la bouche de Socrate, qui s’entretient avec Critobule, le récit j suivant : « Cyrus le jeune, roi de Perse, qui réunissait à l’excellence de l’esprit la gloire des armes, reçut à Sardes le Lacédémonien Lysandre, homme d’un rare mérite, qui lui apportait des présents de la part de ses alliés. Cyrus fit à son hôte les honneurs de son palais avec une grâce parfaite, et lui montra un parc planté avec beaucoup d’art. Lysandre admira la beauté des arbres, la symétrie des allées, disposées en quinconce, la régularité, la finesse et le moelleux du terrain, le choix des fleurs, l’harmonie et la suavité de leurs parfums ; il dit à Cyrus qu’il était ravi non-seulement du soin qu’il voyait briller partout, mais encore du génie qui se montrait dans la conception et le plan de ce délicieux jardin. — Eh bien, répondit Cyrus, c’est moi qui ai tout inventé ; c’est moi qui ai tracé le plan, dessiné les allées, et un grand nombre de ces arbres ont été plantés de ma main. » Lysandre alors, reportant ses regards sur les vêtements magnifiques, sur la pourpre, l’or et les pierreries qui relevaient la beauté naturelle de Cyrus : « C’est à juste titre, lui dit-il, qu’on vous croit heureux, puisque vous réunissez à un tel degré la fortune et la vertu. »

C’est là une fortune dont la vieillesse peut certainement jouir, et jamais l’âge ne nous empêchera de nous livrer à nos travaux favoris, et surtout de cultiver les champs jusqu’au dernier de nos jours. Nous savons que M. Valérius Corvus vécut jusqu’à cent ans, et que la dernière partie de sa vie se passa à la campagne et dans les travaux de l’agriculture. Quarante-six ans s’étaient écoulés entre son premier et son sixième consulat ; ainsi la carrière des honneurs fut aussi longue pour lui que l’était, suivant nos ancêtres, la vie entière de l’homme jusqu’aux abords de la vieillesse ; et son âge lui donna ce privilège, qu’avec moins de travaux il eut plus d’autorité. L’autorité est la couronne de la vieillesse. Vous savez quelle était l’extrême considération d’un Métellus,