Page:Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/552

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que Socrate, près de quitter la vie, enseignait à ses amis sur l’immortalité de l’âme, et je me rappelais qu’au jugement d’Apollon, c’était là le plus sage de tous les hommes. Que vous dirai-je ? Je me suis persuadé, je crois fermement que cette activité prodigieuse de l’esprit, cette mémoire admirable du passé, cette prévoyance de l’avenir, tous nos arts, toutes nos sciences, toutes les inventions des hommes ne décèlent pas une nature périssable, un génie mortel. Notre âme est sans cesse en mouvement ; mais le mouvement de l’âme n’a point eu de commencement, puisqu’elle se meut elle-même ; et il n’aura pas de fin, puisque l’âme ne se manquera jamais à elle-même. D’ailleurs, l’âme, de sa nature, est simple, et ne porte en elle aucun mélange d’éléments hétérogènes ; elle ne peut donc être divisée, et par conséquent elle ne peut périr. Il faut reconnaître aussi que les hommes apportent en naissant une foule de connaissances reçues dans une vie antérieure : ce qui le prouve, c est que les enfants, appliqués à des études difficiles, saisissent tout un monde de vérités avec une telle promptitude qu’ils paraissent bien ne pas les entendre pour la première fois, mais seulement se les rappeler et en avoir la réminiscence. Voilà à peu près comme Platon prouve l’immortalité de l’âme.

XXII. Dans les livres de Xénophon, l’ancien Cyrus dit en mourant : « N’allez pas croire, mes enfants chéris, que lorsque je vous aurai quittés, je ne serai nulle part ou que je ne serai plus. Tandis que j’étais avec vous, vous ne voyiez pas mon âme ; vous compreniez seulement par mes actions que ce corps était animé par elle. Croyez donc qu’elle existera encore lors même qu’elle vous sera devenue entièrement invisible. Les hommages que l’on rend aux grands hommes après leur mort ne seraient pas de longue durée, et leur souvenir s effacerait bientôt, si l’on ne croyait honorer leurs âmes, instruites de ce qui se fait en ce monde. Je n’ai jamais pu me persuader que les âmes trouvent la vie dans ces corps périssables, et la mort quand elles en sortent ; je ne puis croire qu’elles perdent toute intelligence en quittant des corps essentiellement dépourvus d’intelligence ; mais je suis convaincu que, libres alors de tout commerce avec la matière, recouvrant leur pureté et leur beauté originelles, les âmes naissent à la vraie sagesse Lorsque la nature de l’homme est frappée de dissolution par la mort, on peut voir où retourne chacun des autres éléments qui la composaient ; car tout dans l’univers revient à sa source : l’âme seule est invisible, et lorsqu’elle s’unit au corps et lorsqu’elle l’abandonne. Vous savez, mes enfants, que rien ne ressemble plus à la mort que le sommeil. Or, pendant le sommeil, les âmes nous manifestent leur divinité ; détachées alors et indépendantes, elles s’élancent dans l’avenir qui leur est ouvert, et nous montrent ce qu’elles doivent être lorsqu’elles se trouveront pour jamais affranchies des liens du corps. Si telle est ma destinée, quand vous ne m’aurez plus, mes enfants, honorez-moi comme un dieu ; mais si mon âme doit périr avec ce corps, vou ? offrirez vos adorations aux Dieux qui gouvernent et conduisent cet admirable uni-vers, et cependant vous conserverez de votre père un pieux et inaltérable souvenir. »

XXIII. Voilà ce que dit Cyrus mourant : pour nous, voyons ce que nous devons croire et de nous-mêmes et des nôtres. Jamais on ne me persuadera, Scipion, que Paul —Emile votre père, Paul et l’Africain, vos deux aïeux, le père de l’Afri—