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CICÉRON

conséquemment, nous n’avons point ici à examiner si Zénon et Ariston son disciple ont dit vrai dans leur principe, Qu’il n’y a de bon que ce qui est honnête ; mais si la conséquence qu’on de là est juste, Qu’il n’y a de bonheur que dans la vertu. Ainsi, sans nous embarrasser si Brutus est bien d’accord avec lui-même, permettons-lui d’assurer que le sage est toujours heureux. Qui mérite mieux que lui la gloire attachée à un tel sentiment ? Pour nous, ne laissons pas de pousser les choses encore plus loin, en montrant que le sage n’est pas seulement heureux, mais qu’il l’est souverainement.

XII. Un étranger, Zénon de Citie, vil artisan de termes nouveaux, et vrai singe de l’ancienne philosophie, a voulu se faire honneur de cette honorable maxime, qui est due à notre grand Platon, dans les écrits duquel il est souvent répété que l’unique bien de l’homme, c’est la vertu. Par exemple, dans son Gorgias, où Socrate interrogé sur ce qu’il pensait du bonheur d’Archélaüs, fils de Perdiccas, et qui passait alors pour l’homme du monde le plus heureux, répond, « qu’il ne pouvait en rien dire, n’ayant jamais eu d’entretien avec lui ; ajoutant, qu’il ne pouvait le connaître d’une autre manière. » Vous ne sauriez donc, lui dit-on, assurer que le grand roi de Perse soit heureux ? Comment le pourrais-je, reprend-il, puisque j’ignore s’il est savant et homme de bien ? On lui demande si c’est là en quoi il faisait consister toute la félicité. Oui, c’est bien là mon sentiment, que les gens de bien sont heureux ; et les méchants, malheureux. — Archélaüs est donc malheureux ? Oui sans doute, s’il est injuste. Paraît-il clairement que Socrate renfermait tout le bonheur dans la vertu ? Vous allez encore l’entendre dans l’Epitaphe. « Celui-là, dit-il, me paraît prendre la route la plus sûre pour être heureux, qui tâche de trouver dans son propre fonds tout ce qui peut le rendre tel ; sans dépendre ni de la fortune, ni du caprice d’autrui. Un homme qui pense ainsi est modéré ; il est courageux ; il est sage, et dans l’adversité comme dans la prospérité, à la mort comme à la naissance de ses enfants, il obéit à l’ancien précepte, qui nous défend de nous livrer jamais trop, ni à la joie, ni au chagrin, parce que nos espérances doivent porter toutes sur ce qui dépend absolument de nous. »

XIII. Telle est la doctrine de Platon ; et de là comme d’une source auguste et divine, coulera tout mon discours. Par où mieux commencer, que par notre commune mère la nature ? Toutes ses productions sont parfaites en leur genre ; non- seulement celles qui sont animées, mais même celles qui sont faites pour tenir à la terre par leurs racines. Ainsi les arbres, les vignes, et jusqu’aux plus petites plantes, ou conservent une perpétuelle verdure, ou après s’être dépouillées de leurs feuilles pendant l’hiver, s’en revêtent tout de nouveau au printemps ; et il n’y en a aucune, qui par un mouvement intérieur, et par la force des semences qu’elle renferme, ne produise des fleurs ou des fruits : de sorte qu’à moins de quelque obstacle, elles parviennent toutes au degré de perfection qui leur est propre. Les animaux étant doués de sentiment, manifestent encore mieux la puissance de la nature. Car