terait pas. Cette étendue est-elle sensible au toucher : quoique déliée et imperceptible, elle sera rangée au nombre des corps, elle en suivra les lois ; si au contraire elle est impalpable, si dans aucune de ses parties elle n’est impénétrable, nous l’appelons vide.
En général, tous les êtres connus sont actifs ou soumis à l’action des autres, ou fournissent un espace à l’existence et au mouvement : il n’y a que les corps qui soient actifs ou passifs ; il n’y a que le vide qui ouvre un champ à leur activité. Il n’existe donc pas dans la nature un troisième ordre d’êtres ; les sens ne peuvent l’apercevoir, ni l’esprit humain s’en former une idée.
Tout ce qui n’est ni matière ni vide est propriété ou accident de l’un ou de l’autre. Les propriétés sont inséparables du sujet, et ne cessent que par sa destruction. Telle e>t la pesanteur dans les pierres, la chaleur dans le feu, la fluidité dans l’eau, la tangibilité dans les corps, sa négation dans le vide. Les accidents, comme la servitude et la liberté, les richesses et la pauvreté, la paix et la guerre, ne sont que des manières d’être dont la présence ou l’absence n’allèrent pas le fond du sujet.
Le temps n’est pas non plus un être subsistant par lui-même : c’est par l’existence continuée des corps que l’esprit s’accoutume à distinguer le passé du présent et de l’avenir. Personne ne conçoit la durée isolée et indépendante du mouvement ou du repos de la matière.
On aura peut-être de la peine à concevoir, dans la nature, des corps parfaitement solides ; en effet, la foudre, les sons, la voix, percent l’épaisseur des murs ; le fer blanchit dans la fournaise ; la pierre vole en éclats sous l’action du feu ; l’or perd sa dureté et devient fluide dans le creuset ; l’airain dompté par la flamme fond comme la glace ; la chaleur et le froid des liqueurs se font sentir à notre main ; travers les parois d’une coupe d’argent : tant il est vrai que dans la nature nous ne connaissons aucun corps parfaitement solide.