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Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/244

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sans quoi ils n’auraient pu se conserver pendant tant de siècles et fournir depuis un temps infini à la renaissance des êtres.

Enfin, si la nature n’avait prescrit des bornes à la divisibilité de la matière, les éléments du monde, minés par la révolution de tant de siècles écoulés, seraient réduits à un tel degré d’épuisement, que les corps résultant de leur union ne pourraient parvenir à la maturité : car nous voyons les corps se dissoudre plus vite qu’ils ne se produisent ; c’est pourquoi les pertes que les siècles précédents leur auraient fait subir ne pourraient être réparées par les temps qui suivraient. Mais comme dans la nature nous voyons constamment les réparations proportionnées aux pertes, et tous les êtres arriver dans des temps fixes à leur degré de perfection, il faut en conclure que la divisibilité de la matière a des limites invariables et nécessaires.

Malgré cette solidité des éléments, comme tous les corps sont mêlés de vide, il n’y en a pas un qui ne puisse s’amollir, et prendre la nature de l’eau, de l’air, de la terre et du feu. Au contraire, si les éléments étaient mous, il serait impossible d’expliquer la formation des cailloux et du fer : la nature n’aurait plus de base dans ses ouvrages. Les éléments de la matière sont donc simples et solides ; et c’est leur union plus ou moins étroite qui donne aux corps leur dureté et leur résistance.

VI
LA SOLIDITÉ DES ATOMES, CONDITION DE LA FIXITÉ DES LOIS DE LA NATURE.

Enfin la nature a prescrit des bornes à l’accroissement et à la durée des corps ; elle a réglé la mesure de leur pouvoir. Les espèces ne changent jamais ; les générations se suivent sans altération ; les différentes classes d’oiseaux ont constamment certaines taches affectées à leur espèce, qui la caractérisent. Les éléments doivent être immuables comme les espèces. Si une force étrangère peut en triompher, tout devient incertain ; on ne sait ce qui peut ou ne peut point être produit, comment la puissance des êtres est bornée par leur nature même, ni pourquoi les siècles ramènent les