malheureux à qui il reste une si vaste carrière de maux à traverser. Au contraire, les troupeaux de toute espèce et les bêtes féroces croissent sans peine ; ils n’ont besoin ni du hochet bruyant, ni du langage enfantin d’une nourrice caressante, ni de vêtements différents pour les différentes saisons. Il ne leur faut ni armes pour défendre leurs biens, ni forteresses pour les mettre à couvert, puisque la terre et la nature fournissent à chacun d’eux toutes choses en abondance.
Si la terre et l’eau, le souffle léger de l’air et la brûlante vapeur du feu sont soumis à la naissance et à la mort, le monde, qui est le résultat de ces quatre éléments, doit avoir la même destinée, puisque les parties ne peuvent naître et mourir sans que le tout partage le même sort. Ainsi, quand je vois les vastes membres du monde s’épuiser et se reproduire alternativement, je ne puis douter que le ciel et la terre n’aient eu un premier instant et ne doivent finir un jour.
Ne regarde pas, ô Memmius ! comme une prétention hasardée d’avancer, comme je l’ai fait, que la terre et le feu soient mortels, l’air et l’eau sujets à périr, pour renaître et s’accroître de nouveau. D’abord une partie de la terre, brûlée par l’ardeur continuelle du soleil et foulée sans cesse aux pieds, se dissipe en tourbillons de poussière, nuages légers que le souffle des vents disperse dans les airs : la pluie résout en eau une partie des glèbes, et les rivages des fleuves sont sans cesse minés par le courant. Enfin tout corps qui en nourrit un autre de sa propre substance essuie des pertes nécessaires : donc, puisque la terre est à la fois la mère commune et le tombeau de tous les êtres, il faut que tour à tour elle s’épuise et se répare.
Que la mer, les fleuves et les fontaines se remplissent toujours de nouvelles ondes et se perpétuent par ce moyen, c’est ce que prouve l’immense quantité d’eau qui s’y précipite de toutes parts. Mais les pertes continuelles que fait l’eau l’empêchent d’être trop abondante : Les vents, en la balayant de