l’État, les deux épées de guerre et de justice sont entre les mains de celui qui y exerce la souveraine puissance.
Il est certain que toutes les actions volontaires tirent leur origine et dépendent nécessairement de la volonté : or la volonté de faire ou de ne pas faire une chose dépend de l’opinion qu’on a qu’elle soit bonne ou mauvaise, et de l’espérance ou de la crainte qu’on a des peines ou des récompenses ; de sorte que les actions d’une personne sont gouvernées par ses opinions particulières. D’où je recueille, par une conséquence évidente et nécessaire, qu’il importe grandement à la paix générale de ne laisser proposer et introduire aucune opinion ou doctrine qui persuade aux sujets qu’ils ne peuvent pas en conscience obéir aux lois de l’État, c’est-à-dire aux ordonnances du prince ou du conseil à qui on a donné la puissance souveraine, ou qu’il leur est permis de résister aux lois, ou bien qu’ils doivent appréhender une plus grande peine s’ils obéissent que s’ils s’obstinent à la désobéissance. En effet, si la loi commande quelque chose sous peine de mort naturelle, et si un autre vient la défendre sous peine de mort éternelle, avec une pareille autorité il arrivera que les coupables deviendront innocents, que la rébellion et la désobéissance seront confondues, et que la société civile sera toute renversée. Car nul ne peut servir deux maitres. Puisque tout le monde accorde à l’État de juger quelles sont les choses qui peuvent contribuer à son repos et à sa défense, et qu’il manifeste que certaines opinions servent beaucoup à l’un et à l’autre, il s’ensuit que c’est au public à juger de ce qui en est, c’est-à-dire à celui qui gouverne seul la république, ou à l’assemblée qui exerce une puissance souveraine.
De ce que chaque particulier a soumis sa volonté à la volonté de celui qui possède la puissance souveraine dans l’État, en sorte qu’il ne peut pas employer contre lui ses propres forces, il s’ensuit manifestement que le souverain doit être injusticiable, quoi qu’il entreprenne.
En une cité parfaite, il faut qu’il y ait une certaine personne qui possède une puissance suprême, la plus hante que les hommes puissent raisonnablement conférer et même qu’ils puissent recevoir : or cette sorte d’autorité est celle qu’on nomme absolue ; car celui qui a soumis sa volonté à la volonté de l’État, en sorte qu’il peut faire toutes choses impunément et sans commettre d’injustice, établir des lois, juger les procès, punir les crimes, se servir, ainsi que bon lui semble, des forces et des moyens d’autrui, de vrai il lui a donné le plus grand empire qu’il soit possible de donner.
Le souverain n’est pas tenu aux lois de l’État. En effet, les lois ne