J’expliquerai en peu de mots ce qui est inséparable de cette doctrine si juste et si vraie.
Ce n’est point en établissant la volupté pour le plus grand des biens, et la douleur pour le plus grand des maux, qu’on se trompe ; c’est en ignorant quelles sont les choses qui peuvent véritablement procurer de la volupté, ou causer de la douleur. J’avoue cependant que les plaisirs et les peines de l’esprit viennent des plaisirs et des peines du corps, et je conviens de ce que vous disiez tantôt, que ceux d’entre nous qui pensent autrement, et qui sont en assez grand nombre, ne peuvent jamais soutenir leur opinion[1]. Il est vrai que la volupté de l’esprit donne de la joie, et que la tristesse de l’esprit cause de la douleur ; mais elles viennent du corps, et c’est an corps qu’elles se rapportent : ce qui ne m’empêche pas de reconnaître que les voluptés et les peines de l’esprit sont plus grandes que celles du corps. Par le corps,
- ↑ Les épicuriens, n’admettant pas de distinction véritable entre le corps et l’âme, formés l’un et l’autre d’atomes plus ou moins ronds et lisses, ne pouvaient admettre que des distinctions secondaires entre les plaisirs du corps et ceux de l’âme. Selon Epicure, le plaisir de l’âme n’est qu’un souvenir ou une anticipation (πρωτοπάθεια) plus ou moins déguisée des plaisirs du corps (Clem. Alex., II, Stromat., p. 179). Si les voluptés de l’âme sont préférables à celles du corps, c’est qu’elles embrassent à la fois le passé et l’avenir, tandis que celles du corps sont bornées au moment présent. V. les Extraits d’Epicure.
La doctrine utilitaire d’Epicure est ici en complet désaccord avec la doctrine d’Aristippe et des cyrénaïques, qui soutenaient la prééminence des peines et des plaisirs du corps sur les peines et les plaisirs do l’âme. (Diogèse Laerce, II, 8.)