Page:Clémenceau-Jacquemaire - Madame Roland, 1926.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100
MADAME ROLAND

Elle écrit au chanoine Dominique pour lui confier Eudora : « Je laisse à ma fille de bons exemples, dit-elle, une mémoire chérie ; son père y joint quelque gloire ; il lui reste en vous et en Mlle Mignot de sages guides. » Dans un acte signé des époux Roland et daté du 25 décembre 92, Mme Roland déclare que, d’après sa volonté, l’enfant doit être élevée au Clos par Mlle Mignot « qui partagera l’existence et les moyens de son élève et recevra, après huit années révolues [Eudora aura alors vingt ans], une rente viagère de mille francs ».

Ayant tout ordonné avec le plus grand soin, cette femme se croit sans reproche. De même, au fort de la tragédie, elle se trouvera tranquille après avoir minutieusement réglé, l’une après l’autre, les questions où elle se sent une part de responsabilité.


Roland, malgré son entier dévouement à la chose publique, continuait à porter le poids quotidien d’attaques forcenées, aussi bien devant la Convention que dans les Clubs, sans parler des aboiements de la presse. Cependant le courage de sa femme ne faiblissait pas et le soutenait encore.

Ce fut donc un coup de théâtre quand, le 22 janvier, vingt-quatre heures après la mort du roi — que Roland n’avait peut-être pas voulue[1] — Vergniaud, qui présidait, lut aux députés la lettre de démission du ministre de l’Intérieur.

Elle était écrite de la main de Mme Roland. Comme toujours les époux étaient donc bien d’accord.

Cette brusque décision était fondée sur des raisons multiples et il est probable que nous aurions tort de nous attacher à l’une d’elles en particulier.

Ne cherchons pas la vérité dans les écrits de Mme Roland. Ils éludent la question.

Il y avait le dégoût, il y avait la lassitude, évidemment. Mais ce n’était pas tout. Roland avait trop vu sa femme évoluer, libre et franche, parmi leurs amis communs, pour ne pas

  1. Il avait voté pour la mort, après consultation du peuple. Telle était bien l’opinion de Mme Roland. Buzot vota de même, puis demanda de surseoir à l’exécution.