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MADAME ROLAND

Que dit l’Évangile ? « Il vous faudra paraître devant les Rois, ils vous commanderont l’injustice et vous leur résisterez jusqu’à la mort, etc… »

Cette pensée, cette éloquence, devaient frapper Mme Roland au milieu du cœur. Du fond de sa province, on la sent frémir à la voix de ce chrétien. Mais il y en avait d’autres. Avec le clergé la lutte est ouverte. Une voix retentit : « Les biens de l’Église appartiennent à la Nation. » Qui a prononcé ce mot hardi ?

C’est un inconnu au visage ardent et réfléchi, un jeune amant de la liberté. Évreux l’a envoyé aux États Généraux. Pour la première fois, Mme Roland entend prononcer ce nom : François Buzot.

Roland écrit à Bosc et juge les événements. Il demande des nouvelles. Va-t-on instruire le procès de la reine et des frères du roi ? « La fougue, l’impétuosité… le peu de tenue en tout finiront par tout perdre… tant qu’on n’abattra pas de têtes, sans réserve du rang ni du nombre… Plus elles sont élevées, plus elles sont dangereuses. » Et peu après, Mme Roland écrit de son côté des lignes pleines de rudesse, où il y a peut-être un écho de la colère qui l’avait saisie après le banquet des Gardes du Corps, lorsque la reine avait paru avec son fils dans les bras :

Les Français sont aisés à gagner par les belles apparences de leurs maîtres, dit-elle, et je suis persuadée que la moitié de l’Assemblée a été assez bête pour s’attendrir à la vue d’Antoinette lui recommandant son fils. Morbleu ! c’est bien d’un enfant qu’il s’agit ! C’est du salut de vingt millions d’hommes. Tout est perdu si l’on n’y prend garde !

On ne danse plus au Clos après les vendanges de 1789. L’aimable chanoine Bimont vient de mourir à Vincennes et le curé de Longpont, atteint de la pierre, est sur le point de succomber à ses souffrances. Roland est mal rétabli et la pensée

    trouva un seul opposant, le député Maury, fils d’un cordonnier. M et Mme de la Platière — comment ne pas sourire ? — firent, après le 4 août, le sacrifice de leur nom et ne furent plus que M. et Mme Roland tout court. De son côté M. d’Antic devint M. Bosc et M. d’Anton, Danton.