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LA RÉVOLUTION

effets furent atroces) et pour l’envoyer à la signature du ministre Danton qui, n’osant pas résister, lui donna force de loi en y mettant son nom.

Mme Roland le sut et voua à Danton un mépris inexorable.

Au fond du désespoir, elle écrit à Bancal, le 9 septembre :

Danton conduit tout. Robespierre est son mannequin. Marat tient sa torche et son poignard. Si vous connaissiez les affreux détails de ces expéditions[1] ! Les femmes brutalement violées avant d’être déchirées par ces tigres ; les boyaux coupés, portés en rubans, des chairs humaines mangées sanglantes ! Vous connaissiez mon enthousiasme pour la Révolution ; eh bien, j’en ai honte ! Elle est ternie par des scélérats. Elle est devenue hideuse.

Deux jours après, certains résultats des élections apportent quelque réconfort à Mme Roland. « Les bons choix des départements nous raniment », dit-elle. Cela veut dire que Roland a été élu dans la Somme, Buzot dans l’Eure, Bancal dans le Puy-de-Dôme.

« Exécrable députation », disait en même temps le girondin La Réveillère-Lepeaux. À la vérité, la Gironde semble bien être la plus forte, mais, par un injuste renversement des valeurs, elle va maintenant faire figure de parti réactionnaire.


L’Assemblée Nationale avait été nommée pour réviser la Constitution, c’est-à-dire pour y effacer la trace des institutions monarchiques.

Les conventionnels, médecins, avocats, commerçants, écrivains, venaient de la bourgeoisie. Pas un seul ne sortait du peuple. Sur 745 membres, 500 n’étaient ni Montagnards, ni Girondins.

Le bruit courait que la Gironde voulait faire de la France une Fédération comme la Suisse ou les États-Unis et la diviser en républiques de Marseille, de Lyon, de Rouen, etc.

La Montagne feignit de le croire en comprenant du premier coup — ce qui nous reste d’ailleurs assez inintelligible — qu’une telle accusation lui mettait en mains une arme bien trempée.

  1. Les massacres.