Page:Clément - La Revanche des communeux.djvu/97

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l’ordinaire douteux et aux ragougnasses de la gargotte, des mets bien préparés, savoureux, recherchés, et à la fois substantiels ; c’est aimer, enfin, tout ce qui est bon, succulent, séduisant à la vue, agréable au palais et bienfaisant au corps.

Au point de vue moral, avoir des appétits distingués, c’est bien simple aussi, et c’est également à la portée de tous : c’est se croire d’une essence supérieure et ne pas vouloir mettre les mains à la pâte, dans la crainte de se les abîmer ; c’est croire qu’on est tellement au-dessus des autres parce qu’on est riche en terre, en actions, ou en outillage, qu’on aie droit de faire trimer des serfs et de les rationner ; c’est aimer la vie avec tous ses raffinements de bien-être, d’hygiène, de confortable, dans le vêtement, le linge, d’habitation : enfin c’est vouloir vivre comme des humains et non comme des bêtes de somme.

Bravo ! Eh bien, est-ce que ces appétits, au point de vue matériel et moral, ne sont pas, comme je l’ai dit, à la portée de tous ? Est-ce que tous ceux qui piochent, labourent, forgent, ne seraient pas plus en droit de les avoir et de les satisfaire, que ceux qui ne font œuvre de leurs dix doigts ?

Eh ! allez donc, vous autres, les machines-à-produire, ayez aussi des exigences humaines ; ne soyez plus si sobres, si résignés, ça ne profite qu’aux autres. Prenez enfin la place qui vous est due à ce grand banquet de la vie dont vous n’avez que les miettes parce que, depuis trop longtemps, vous laissez une poignée de parasites, aux appétits délicats, s’y gaver à pleine panse et à vos dépens !