Page:Cléri - Le Crime de la chambre noire, 1915.djvu/37

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rable profita d’une discussion qui s’était élevée entre son associé et moi, pour tuer celui-là, en ma présence. Le crime fit grand bruit : M. Mauvin déclara avoir été témoin du drame et m’accusa formellement d’être le meurtrier. Il se trouva des employés qui déclarèrent que, dans la discussion que j’avais eue avec la victime, j’avais tenu des propos menaçants. À mon tour, j’accusai M. Mauvin. Cette accusation accumula de nouvelles preuves de ma culpabilité. Je me débattis en vain, je luttai désespérément. Peines perdues ; je fus condamné.

En prison, j’appris que ma femme était morte de chagrin et mon enfant de misère. Dès lors, l’idée tenace de la vengeance germa dans mon esprit. Je m’évadai, je devins le bandit d’abord traqué qui aujourd’hui nargue à son tour les prétendues honnêtes gens. Je suis le Chasseur Rouge ! Mon gibier à moi est un gibier humain ! Ah ! Ah !… Il y a des hommes plus sauvages et plus féroces que les animaux carnassiers à chasser ; pour ceux-là pas de merci, je tue sans pitié. Oui, je suis le Chasseur Rouge que l’on craint dans toute la région, c’est moi qui fais la loi ici. Mon seul nom fait frémir ! Il est vrai que jadis déjà un seigneur de Sauré, connu pour ses instincts sanguinaires, porta ce surnom terrible. Dès mes débuts dans la région, des paysans superstitieux affirmèrent que l’âme damnée du baron était revenue sur terre. Il ne me déplaisait pas de jouir d’une renommée qui faisait trembler et je me parai du titre que l’on voulait bien m’octroyer. Désireux de ressembler autant que possible à mon digne prédécesseur, je portai comme lui un justaucorps rouge. C’était une façon comme une autre de frapper l’imagination des châtelains de Sauré et de les faire mourir de peur avant de les frapper.

Le bandit avait redressé sa haute stature, une flamme d’orgueil qui semblait défier le