Page:Cléri - Le Crime de la chambre noire, 1915.djvu/58

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Songez que la malheureuse a vécu plus de quinze ans dans la solitude complète, dans les ténèbres. De même que ses yeux ne s’accoutumaient plus à la lumière du jour, son esprit ne se réhabitue que peu à peu au langage humain.

Judith Mauvin s’était à demi dressée sur son lit et contemplait cette scène sans comprendre. Son fiancé se pencha vers elle et lui prit la tête dans les mains.

Quant à M. Mauvin, devant la main vengeresse que son épouse brandissait vers lui, il reculait comme le condamné recule devant le châtiment.

— Reconnaissez-vous votre épouse légitime ? lui demanda le commissaire.

Alors, seulement, le châtelain eut conscience de ce qui se passait ; au lieu de répondre, il fit signe à sa maîtresse, en balbutiant :

— Perdus !… Sauvons-nous !…

Et avant qu’on eût pu les empêcher, les deux misérables sortirent par une porte du fond, aussitôt poursuivis par les policiers.

Ce fut une chasse éperdue dans le château. M. Mauvin et sa maîtresse gravirent les escaliers, traversèrent le corridor près duquel s’ouvrait la Chambre Noire et gagnèrent la fameuse bibliothèque où, nos lecteurs s’en souviendront, Dauriac avait vainement recherché l’assassin invisible.

Ils arrivèrent dans cette vaste salle au moment où les policiers lancés à leur poursuite montaient l’escalier derrière eux.

— Vite ! cria Mauvin, au passage secret !

Le châtelain avait ouvert un meuble vide, il pressa un bouton dissimulé. Instantanément, le panneau du fond se souleva, découvrant un passage secret.

— Sauvés ! s’écria le châtelain, en entraînant sa maîtresse, tandis que les policiers apparaissaient au seuil de la porte.