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Sensations de Nouvelle-France

car ce à quoi ils songent avant tout c’est à se mettre quelque chose sous la dent, et les voilà donc, les hommes allumant des feux et installant des crémaillères, les femmes déficelant les marmites, et bientôt la soupe mijote, et la bonne, vulgaire, et bourgeoise odeur du pot-au-feu monte pour la première fois dans cet air vierge d’Amérique, mêlée aux émanations salines venues du large. Eh ! parbleu, oui, la soupe tout d’abord, et nous en serons ensuite d’autant plus vaillants pour prier Dieu.

Ah ! ma pauvre France chérie, la vois-tu bien là, maintenant, ton erreur, et sais-tu pourquoi ton œuvre d’Amérique devait fatalement péricliter, puis se fondre et s’évanouir devant le colosse anglo-saxon ? À quoi songeais-tu donc quand, pour coloniser ce pays, tu croyais qu’il était avant tout nécessaire d’ouvrir de pauvres âmes de sauvages à l’infini de ta foi, et de lancer, dans de sublimes et folles équipées, tes missionnaires, tes soldats, et tes coureurs des bois, dans les profondeurs de cet immense continent. Il t’eût pourtant été si facile de te tasser, te concentrer dans ton coin, et là, estimant que charité bien