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Sensations de Nouvelle-France

ordonnée commence par soi-même, de surveiller tranquillement, toi aussi, ton pot-au-feu. Qui sait, tu serais peut-être devenue, à ton tour, ce que l’on est convenu d’appeler une personne pratique, c’est-à-dire serrant de près ses intérêts, et ramenant tout à un égoïsme froid et calculé, à un mercantilisme d’où la part d’idéal est sévèrement bannie.

Mais vois donc, en effet, la leçon de l’histoire. Tandis que, du septentrion au midi, des rivages glacés du Labrador jusqu’aux flots bleus du Golfe du Mexique ; et du levant au couchant, depuis les premiers contre-forts des Alleghenies jusqu’aux Montagnes Rocheuses ; tandis que, dis-je, dans toute cette infinie région, il n’y avait que toi qui vivais, qui palpitais, qui semblais immuable, presque éternelle, tes ennemis peu nombreux ne possédaient, eux, qu’une étroite lisière de terre faisant face à l’Atlantique. Tu ne t’en souciais guère, estimant leur existence bien précaire, confiante dans la puissance de tes armes et dans la valeur de tes troupes ; montrant pour toute réponse, aux timorés, tes drapeaux solidement cloués aux hampes de tes bastions, et qui claquaient fièrement, orgueilleusement, à toutes les brises. Et pourtant, et tu le vois bien maintenant, il te manquait alors ce qui