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Sensations de Nouvelle-France

chez lui un sentiment d’une essence nouvelle, le portant à ramener tout ce qu’il voit, tout ce qu’il sent, à une idée de gigantesque, en quelque sorte de sans bornes. Pour lui une chose est big — un pur américanisme — ou elle ne l’est pas, et si elle ne l’est pas, il ne s’en souciera guère. Et c’est de là qu’est né l’orgueil avec lequel il nous parle de ses big buildings, de ses big shows, de ses big ships, etc.

C’est aussi ce qui explique, chez le Canadien, l’air de supériorité, de dédain tombé de haut, avec lequel il juge notre pauvre petite Europe. Il faut l’entendre parler de nos rivières minuscules, de nos forêts à enfermer dans une boîte à joujoux, et de l’étriquement, du compassé de notre vieille civilisation. Quelle figure, aussi, voulez-vous que nous fassions à côté de ce St-Laurent, ce géant des eaux qui porte des transatlantiques jusqu’à deux cents lieues de son embouchure ; à côté de cette merveille du Niagara, cette énorme cataracte s’appelant ici modestement une « chute » ; à côté encore, et surtout, de cette immensité vierge, inconnue des gardes champêtres, qu’on devine se déroulant jusqu’à des régions inaccessibles, celles de la période lacustre qui suivit les âges glaciaires. Quand l’idée de patrie, encore ici dans sa phase